L'insatiable homme-araignée
de Pedro Juan Gutiérrez

critiqué par Septularisen, le 4 mars 2013
( - - ans)


La note:  étoiles
CARTES POSTALES DE CUBA
Cinq ans après son dernier roman traduit en français, (Le nid du serpent, déjà critiqué sur CL), l’éditeur 13E NOTE a enfin eu la très bonne idée de nous proposer la traduction d’un nouveau livre du « Bukowski Cubain ».

Revoici donc Pedro-Juan GUTIERREZ, et surtout revoici sa muse si particulière… Cuba et plus spécialement la ville de La Havane.
L’auteur nous propose ici 19 courtes nouvelles (la plus courte ne fait que… 3 pages!), écrites entre 1999 et 2001, qui se présentent comme des vignettes, des cartes postales de son île «paradisiaque», dans laquelle il est prisonnier et où il tourne en rond, comme un lion en cage…
Le fil conducteur de toutes ces histoires étant sa relation, avec sa compagne de cinq ans, Julia, qui à bout de souffle arrive à sa fin, et que l’on voit se dégrader, littéralement se déliter, de plus en plus au fil des nouvelles et des pages…

Comme toujours, on retrouve ici les thèmes qui on fait sa réputation et qui sont, bien sûr, très, mais très très loin du «Cuba pour touristes».
Citons pêle-mêle : la faune haute en couleur de la rue, le rhum distillé clandestinement, la moiteur tropicale, la misère à tous les coins de rue, la crasse partout, partout, partout, la faim (et les combines nombreuses et variées pour trouver de quoi se nourrir, de quoi survivre un jour de plus), la violence, la prostitution (et la chasse aux touristes pourvoyeurs de dollards), la mort (souvent par le suicide tout espoir ayant définitivement disparu), la pauvreté, les trafics de toutes sortes, la musique, la boisson, les putes, les dealers, la mer et les plages, le soleil… et bien sûr le sexe, encore le sexe, toujours le sexe, comme ultime espace de liberté, comme une révolte, comme un pied de nez à la dictature!...

Comme Bruce SPRINGSTEEN dans ses chansons, Pedro-Juan GUTIERREZ décrit dans ses nouvelles, la vie des moins que rien, des laissés pour compte de la révolution castriste, des oubliés de la vie. Toujours très à l’aise parmi les siens, qu’il décrit avec vigueur et réalisme, sans haine, sans complaisance, sans les enjoliver.... Le tout avec une lucidité et un sang-froid étonnants et parfois, disons-le, le cynisme brut et révolté de celui qui a tout vu, tout fait, tout entendu, tout vécu !...

L’écriture est « parlée », mais reste malgré tout d’une étonnante fluidité. Le débit est rapide, et cent idées différentes se bousculent à chaque page. Pas de fioritures, du brut de décoffrage, du concret, des faits, des histoires vraies, des témoignages de la vie de tous les jours sur "son" île, Cuba...
On tourne les pages presque sans s’en apercevoir et on en vient à regretter la fin du livre, car on aurait aimé rester plus longtemps avec le «petit peuple» de La Havane.

Comme tous les livres de l’écrivain Cubain, "L’insatiable homme araignée" n'est évidemment pas à mettre entre toutes les mains, certaines scènes de sexe très crues pouvant «heurter» les personnes sensibles.
Je reste toutefois à recommander ce livre de nouvelles au plus grand nombre, comme idéal pour découvrir cet auteur totalement inclassable, si méconnu, et pourtant un des plus grands écrivains actuel d’Amérique Centrale!...