Derrière les yeux
de François Migeot, Marianne Leroux (Illustration)

critiqué par Sissi, le 27 février 2013
(Besançon - 54 ans)


La note:  étoiles
"L'amour n'a sur la mort qu'une mesure d'avance"
« Tramé avec les jours, les mois, les saisons, ce long tissage, fait d’éclats, tente de saisir l’être qui se fait et se défait au passage du temps ; il nomme et donne forme à l’existence. Au rendez-vous de la vie où l’on manque trop souvent, la poésie nous excuse ».

C’est ainsi que François Migeot présente son ouvrage.
« Derrière les yeux », c’est l’évocation de ce qui surgit au plus profond de nous, ce sont ces délicates émotions qui nous effleurent au moment où tout (parfois simplement un petit rien) bascule, c'est toute la promesse d'un matin que le soir vient ravager, c'est l'horreur de la mort houspillée par les promesses de la vie, c'est lorsqu’un mois cherche à en chasser un autre , qu'une saison bataille pour s'imposer,

« Colline tardive
desservie par l’été
A défaut de convive
Le monde s’est assis

Il écoute à la crête
La battue des regrets »

C'est l'ambivalence du fugitif instant où le jour capitule,

« Dernier combat
sur les crêtes

le jour encore
en habit de lumière

Tandis que la nuit
Assiège les derniers reliefs »

C’est encore la tristesse et le poids du temps qui passe et qui tue,

« Lassé
de notre escorte
au bout du chemin
le monde renonce

On traîne nos valises de pensée
Nos sacs de souvenir
Nos trousseaux de langage
Dans la vitesse des rues

De guerre lasse
L’alentour nous laisse
Au cœur des équipages »

Enfin c’est l’impossible sommeil lorsque quelque chose (ou quelqu’un) nous hante…

« Insomnie

C’est d’avoir si peu
Vécu le dehors
Qu’il revient nous hanter »
Avec le temps va... 8 étoiles

Quel joli objet que ce recueil de poésie, édité par une toute petite maison haut-doubienne, l’Atelier du Grand Tétras, où François Migeot dessine des poèmes qui marient leurs formes à celles des aquarelles et des encres de Marianne K. Leroux, pour animer l’âme de ses vers et l’esprit de ses textes.

L’ombre et la lumière, le jour et la nuit, l’aube et le crépuscule, le soleil et les nuages, … François Migeot invente un monde en vers dans une ambiance douce, fraîche, sereine où le temps coule comme un ruisseau argentin sur les plateaux du Jura.

"Tandis que l’ombre
Accoudée à l’appui
Suit des yeux le cortège
Et que l’air
Tournoyant au dehors
Gonfle la toile du devenir"

Un temps que le poète écoule à travers le calendrier, égrenant les jours, les mois au rythme de ses vers comme les fleurs qui se fanent, dispersent leurs pétales au creux des massifs dans des jardins bourdonnants, bordés de rues animées par le pépiement d’enfants insouciants et innocents.

"Il suffirait d’un coup d’épaule
Pour enfoncer le temps"

Le temps qui s’enfuit et qui efface les ans.

"Mais comment l’année
Ranimera
Le ciel ?"

Le temps qui s’efface, le temps qui emporte la vie, le temps de la mort.

"Tandis que les morts
Malgré les murs
Malgré les tombes
Descendent au brouillard de la terre
Les nuages sur les cimes
Sont les cendres du soir"

Débézed - Besançon - 77 ans - 13 août 2013