Chronique de la discrimination ordinaire
de Vincent Edin, Saïd Hammouche

critiqué par Elya, le 27 février 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Inégalités sociales et/ou discriminations ?
Ce court essai d’un journaliste et d’un président d’une association qui lutte contre les discriminations est paru chez Folio en 2012. Il coûte 3 euros ; prix tout à fait raisonnable pour un livre qui tente de synthétiser une opinion autour d’un constat ingénu et d’une question capitale : comment limiter les discriminations qui perdurent en France de nos jours ?
En préambule figure un lexique judicieux (définissant par exemple les notions de « préjugé », « stéréotype »…) ainsi que le plan qui va être suivi.

Les auteurs illustrent d’abord la discrimination actuelle grâce à quelques portraits basés sur des témoignages et des statistiques officiels. Les vies contées d’immigrés, de jeunes des quartiers populaires, ou encore de mères de famille, nous rappellent forcément des situations de gens que nous avons connus. Le premier portrait décrit les déboires d’un retraité du bâtiment, natif du Maghreb, venu travailler au début de l’âge adulte en France. Il me rappelle des patients du même profil souffrants dans les services de rhumatologie et de pneumologie de Grenoble ; à peine le cap de la retraite franchie que tous les maux arrivent.

La deuxième partie tente de distinguer la limite subtile entre inégalité et discrimination. Elle décrit le cercle vicieux dans lequel ces 2 constructions sociales sont imbriquées ; « l’accroissement sans précédent des inégalités produit mécaniquement de la discrimination qui à son tour fige et renforce les inégalités ». Difficile de faire le tour de la question en quelques pages ; quelques lignes expliquant la complexité de ces 2 notions auraient peut-être pu suffire.

C’est finalement le dernier tiers de l’ouvrage qui me semble le plus pertinent.
J’apprécie l’importance accordée à l’éducation et à la nécessité d’informer les gens que les préjugés existeront toujours, mais qu’il faut « surmonter le déni » pour pouvoir les contrôler.
Selon Edin et Hammouche, « l’enjeu de la lutte contre la discrimination est de montrer qu’elle constitue une aberration économique. Or, nous continuons d’envisager cette bataille sous le seul prisme moral ». Leur explication de cette « aberration économique » est malheureusement trop succincte. Ils citent par exemple que les SMS ont été inventés pour que les personnes sourdes puissent communiquer… et ?
Le problème réside selon les auteurs dans l’inexistence des indicateurs de progrès social. Ces derniers permettraient de mettre en évidence les discriminations, invisibles dans les statistiques actuels, « afin de mesurer l’impact social des politiques développées, voir les dispositions qui amènent du progrès, et déterminer les poches de résistance ».
Les opposants, et particulièrement les politiciens aux fameux « statistiques ethniques » se voilent la face. Lorsqu’ils rétorquent que « le fait d’employer un thermomètre ne fait pas tomber la fièvre », Edin et Hammouche leurs rétorquent que « le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre, mais il permet de la mesurer et de prescrire les médicaments adéquats ».

Des paroles pleines de bon sens clôturent donc cet essai. L’argumentation manque un peu d’objectivité, mais cela est justement dû à ce qui est dénoncé, à savoir l’absence d’indicateurs de progrès social. Une belle introduction aux problèmes en lien avec les inégalités sociales.