Le fantôme et la chair
de William Goyen

critiqué par Jlc, le 13 février 2013
( - 80 ans)


La note:  étoiles
Fantômes de lumière
« Le fantôme et la chair » est le premier recueil de nouvelles publié par William Goyen au milieu des années 50, peu après son chef d’œuvre « La maison d’haleine ». Il s’agit d’un livre très construit, un récit renvoyant à un autre, tel personnage majeur dans l’un réapparaît au suivant, en une sorte de jeux de miroirs. On retrouve ici tous les thèmes qui vont être récurrents tout au long de l’œuvre que Goyen va construire. La charpente de ses histoires se fonde sur des départs, des retours, des maisons « qu’on peut bâtir contre le mauvais temps mais pas contre sa conscience », des (en)quêtes d’identité, des secrets de famille révélateurs notamment de frustrations sexuelles. Et surtout « aller sur les routes raconter des histoires … Je crois à cette obligation de raconter tant qu’on est vivant. Il y a un temps pour les histoires et un temps pour rester tranquille à endurer les tourments des fantômes ».

Et nous voilà au cœur du sujet de ce livre, ces fantômes qui laissent après eux quelque chose d'eux, cette part qui transcende la vie quotidienne pour lui donner son sens, cette chair qui s’oppose à ce que nous ne soyons qu’une « silhouette de poussière ». Comme il y a les cinq éléments, Goyen est à la recherche de la purification de la chair par la terre, l’eau et le feu. « Vaincre la chair pour mieux saisir l’ombre…enlever le masque. »

Toutes ces nouvelles se veulent symboliques et les personnages sont, au fond, de peu d’importance, sauf dans la première histoire. Ce qui compte, c’est la quête de lumière et le retour aux sources, à la recherche d’une vérité profonde, cette nostalgie d’une vie embryonnaire « dans des douceurs de seins » qui clôt la dernière nouvelle.

C’est toujours très bien écrit, admirablement traduit par Maurice-Edgar Coindreau mais le propos m’a paru quelque peu abscons. Autant l’histoire du coq est jouissive bien que dramatique, autant les autres sont assez difficiles à comprendre et interpréter. Ce qui m’en a rendu la lecture difficile. Certaines pages très abstraites sont autant de digressions qui peuvent dérouter un lecteur un peu distrait. On sait aussi que, dans ses publications postérieures, son écriture va devenir plus épurée, son récit plus tenu, son imagination toujours aussi exaltée.

Goyen est un grand écrivain qui a su construire un univers dans lequel on pénétrera plus volontiers par « la maison d’haleine ». Mais bien sûr ceci n’est que mon avis.