Les corrections
de Jonathan Franzen

critiqué par Popol, le 22 janvier 2003
(Uccle - 67 ans)


La note:  étoiles
Je t'aime moi non plus
Voilà un livre qui marquera et interpellera toute une génération. Celle qui aux Etats-Unis et en Europe a assisté à une explosion de la famille et aux rôles joués en son sein et cela dans les quarante dernières années. Je ne peux pas m'imaginer le travail soigné, la recherche du mot juste (bravo pour la traduction de Rémy Lambrechts) pour nous donner à vivre des situations comiques et tragiques, banales et rocambolesques ; nous faire ressentir les sentiments, les envies, les mesquineries, les gentillesses, l'état mental des différents personnages. Il n’est pas facile de rentrer de plain-pied dans le livre. Des phrases courtes nous accueillent. Elles se rallongent pour ne pas oublier un détail. Que dire de la description des difficultés éprouvées par Alfred Lambert à parler (p.21 « ...chaque phrase devenait une aventure au fond des bois... »). Une aventure qui tient en une phrase d’une page (37 lignes !). A la première lecture de cette phrase, je me demandais quoi, je ne comprenais pas. Mais en la relisant, je mesurais l’importance de tous les détails quitte à se perdre comme ceux qui perdent leurs mots car ravagés par la maladie. Stupéfiant aussi la chute : p.22 « ...bien que ne sachant plus où il était et à quel endroit il était entré dans la forêt des phrases, réussir encore à trouver à tâtons la clairière où Enid l’attendait, inconsciente de toute forêt –« Fais ma valise », s’entendit-il dire. »
Alfred et Enid, personnages centraux, père et mère de Gary et de Chip, les garçons dans la quarantaine et de Denise la jeune sœur de dix ans la cadette, doivent faire face à la maladie d’Alfred. Alfred se dégrade physiquement et mentalement. Il a des hallucinations et tombe dans la démence.
Le livre nous raconte comment les cinq membres de la famille ont vécu. Ce vécu permet de mieux cerner les différents personnages et nous montre une société occidentale complètement déboussolée.
Cette famille éclatée du Middle-west pourra-t-elle se retrouver ? Les égoïsmes, les contraintes de la vie, les difficultés de vivre, les faiblesses des uns et des autres auront-ils raison de cette famille ? Pour le savoir rentrez dans la vie de ces cinq héros de ce roman-fleuve.
Un noël en famille chez les Lambert ! 7 étoiles

Jonathan Franzen est un écrivain américain né en 1959 à Western Springs (Illinois - états Unis d'Amérique).
Après deux romans (La Vingt-septième Ville en 1988 puis Strong Motion en 1992) il connaît -en 2001- un succès hors-norme avec Les Corrections (National Book Award 2001 et James Tait Black Memorial Prize 2002).

La chronique d'une famille américaine de la Middle-class.
Enid et Alfred; les parents. Vieillissant, refusant d'admettre que l'inexorable déchéance physique et psychologique les rattrape.
Denise, Chip et Gary, leurs enfants; aux trajectoires professionnelles et privées si différentes.
Noël et l'organisation d'une soirée familiale comme un détonateur pour crever les abcès si longtemps tus.
2 conceptions de la vie se heurtent... des générations qui ne se comprennent pas et qui -malgré les liens familiaux- ne se font pas de cadeaux.
Jonathan Franzen peint une fresque des plus clairvoyante (et acide à souhait) sur la société américaine moderne et ses travers.
La lente dislocation des valeurs, si chères à la génération d'après-guerre .

Aucun doute sur la qualité littéraire de cette oeuvre et sur l'immense talent de J.FRANZEN.
Néanmoins, un "pavé" que j'ai souvent eu envie de poser.
On retrouve l'humour corrosif de Richard Ford, avec la noirceur en plus.
Un incontournable de la littérature nord-américaine .

Frunny - PARIS - 59 ans - 20 décembre 2012


Des corrections sans avenir 6 étoiles

On sent dès les premières pages l'écriture américaine contemporaine. Un style travaillé, drôle et efficace. Jonathan Franzen nous offre une roman dense et profond. Les turpitudes de cette famille américaine ne semblent néanmoins pas annoncer de jours meilleurs, juste un portrait à l'acide, sans véritable espoir. Bref un brin déprimant.

Elko - Niort - 48 ans - 3 octobre 2012


A lire et à relire 9 étoiles

J’ai du récemment relire ce volumineux roman. Une obligation n’est jamais favorable au bonheur de lecture. Eh bien une fois encore je me suis laissé prendre par cet univers de la classe moyenne américaine à la fin du vingtième siècle, avec ses histoires et ses travers, sa volonté de conformisme et ses mesquineries, sa « bien-pensance » et son angoisse devant un monde qui change et qu’elle ne reconnaît plus. J’ai découvert, à cette seconde lecture, des aspects du roman que je n’avais pas perçus avec la même intensité et en particulier chez Enid qui ne renonce jamais et surtout chez Alfred avec sa capacité de résistance.
C’est un roman profondément pessimiste car les corrections que nous souhaitons donner à notre vie, à nos amours sont trop souvent vaines. C’est ce que Philip Roth, dans « Exit le fantôme », qualifie de « rêve pour tout un chacun : échapper aux conséquences à long terme des erreurs de toute une vie ».
Pessimiste et passionnant car il annonce, d’une certaine façon, l’Amérique d’après le onze septembre, où, selon certains, elle perdit son innocence, ou ce qui en restait car pour ma part c’est surtout au Vietnam que les Etats Unis l’ont perdue. On sent bien que le monde d’Enid et d’Alfred est déjà mort, celui des enfants vacillant. Et Franzen n’est pas sûr du tout que le nouvel univers dans lequel il va falloir vivre sera plus acceptable que celui qui s’est évanoui dans les cendres de Ground zero.
Depuis 2001, Jonathan Franzen n’a plus publié de roman de cette qualité. Peut-être sera-t-il l’homme d’un seul livre ? Peut-être mais quel livre !

Jlc - - 81 ans - 2 février 2010


Souvent juste, toujours percutant 7 étoiles

Peut-on prétendre que la famille Lambert représente à elle seule l'archétype de la famille américaine version classe moyenne ? Peut être pas, toujours est-il que ce roman brosse, non sans brio, une histoire que l'on pourrait considérer banale, oui mais voilà il y a ce coté universel du récit. La déliquescence des relations familiales est mise en parallèle avec celle de la société américaine, plongée dans l'effroi des repères qui fondent comme neige au soleil.

Les parents sont confrontés à la vision de leurs propres disparitions, lui parce qu'il est plus ou moins conscient de sa dégradation physique et psychique, elle parce qu'elle refuse d'être abandonnée par ses enfants, après toutes ces années passées à ne devoir rien attendre d'un mari toujours absent et distant, uniquement préoccupé par son métier.

Leurs trois enfants sont coincés dans leurs propres existences qui menacent de rompre à tout instant. Chip est un enseignant qui pourfend sans relâche le capitalisme et le dogme du consumérisme, écœuré par cette société qui en oublie de penser lorsqu’elle est face aux biens de consommation. Chaque jour il doit faire face à des étudiants éberlués par ses diatribes, il désespère de pouvoir un jour éventrer la panse des repus.

Denise entretient une relation tridimensionnelle, tout en espérant voir s’accomplir son rêve de devenir une grande restauratrice, mais ses hésitations amoureuses menacent de renverser le plat de subsistance qu’elle tient à bout de bras.

Gary se démène pour conserver un minimum de raison face aux problèmes auxquels il entend trouver une solution. La situation de ses parents l’affecte beaucoup, d’autant qu’il ne parvient pas à obtenir un accord avec son frère et sa sœur sur les mesures à prendre. Des dysfonctionnements organiques lui font craindre qu’il puisse être atteint d’une maladie à géométrie variable. Convaincu que sa femme et ses enfants se sont ligués contre lui, il bascule dans une paranoïa névrotique.

Un roman qui sonne juste, l’auteur assène des propos qui fusent loin, très loin, qui longent nos impressions de vécu, pour soudainement plonger au cœur de notre ressenti sans avertissement préalable.

Heyrike - Eure - 57 ans - 25 avril 2009


Effondrement de l'entropie. 8 étoiles

Titre emprunté à une des multitudes phrases coup de poing de ce livre paranormal.
IL résume, le titre de cette critique, assez bien l'intégralité du livre. Outre l'effondrement d'un modèle de société, j'y ai ressenti une apesanteur, un état cotonneux. Une lecture qui reste chevillée au corps et à l'esprit. Anecdotiquement, c'est en écoutant le titre de Abd al malik, 11 septembre, que j'ai eu l'idée de commencer cet ouvrage. Il cite des événements de ce jour et de cette année et notamment " ce bouquin de jonathan Franzen, les Corrections ". Quand la musique devient l'alliée de la littérature. En résonance des autres critiques, je les trouve toutes justes, il y des longueurs, c'est un livre long, parfois difficile à lire, mais il s'agit d'une épopée familiale, d'une famille de la fin du vingtième siècle. A ce sujet tout à fait en accord avec une des critiques. Il ne s'agit pas du " premier " livre des années 2000, mais du "dernier " des années 90.
Un livre phare, une balise face à notre effondrement.

Hexagone - - 53 ans - 16 janvier 2009


La famille américaine selon Franzen 9 étoiles

"Les corrections" est un roman touffu et féroce, véritable fresque familiale sur une tribu pour le moins disloquée : la famille Lambert. Alfred, le père souffre de la maladie de Parkinson et a constamment besoin d'être aidé par sa femme Enid, autoritaire dont le principal souhait est de réunir tout le clan Lambert pour le réveillon de Noël. Ce qui, dans toute famille, devrait être un plaisir simple s'avère pour les Lambert un vrai chemin de croix, tant la famille est disloquée aux quatre coins des Etats-Unis. Parlons-en des enfants : Il y a Gary, le symbole de la réussite, banquier marié à une femme ravissante, de beaux enfants. Il y a Denise, restauratrice au talent insondable et à la sexualité ambivalente. Et le petit dernier Chip, prof de littérature, un brin paumé qui fuit les responsabilités familiales. Jonathan Franzen excelle tout particulièrement dans la description des personnages. On s'attache progressivement à chacun d'entre eux pour finir par ne plus vouloir lâcher ce livre.
L'auteur dépasse le portrait d'une famille très classe moyenne pour insister sur les névroses des Etats-Unis : un pays prônant la réussite à tout va et dont les habitants n'en sont pas moins désespérés. On retrouve également un thème cher à un certain Philip Roth, à savoir la lutte contre la tyrannie des convenances. Et on peut dire que ce roman m'a fait penser en de nombreux points à la "Pastorale américaine" de Roth. Même noirceur dans le trait, portrait d'une famille en complète déliquescence….
Assurément, l'une de mes meilleures lectures cette année

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 7 mai 2005


Le mot juste 7 étoiles

En lisant ce livre, on ne peut s'empêcher d'être stupéfait (souvent) des mots justes trouvés par J. Franzen pour décrire, expliquer une situation, un état d'esprit. J'ai trouvé cela étonnant. Maintenant qu'on adhère ou qu'on n'adhère pas à l'histoire de cette famille, je comprends. Mais vraiment cet auteur a un talent qui le distingue selon moi de beaucoup d'autres. Pour reprendre ce que dit Trefoil dans sa critique, c'est vraiment qu'on trouve des sens et des mots là où ne savait pas en mettre. Enfin, une mention spéciale à la description de ce pauvre Gary, banquier dépressif, déchiré entre une mère capricieuse et une épouse sournoise !! Croustillant de vérité !

Nabokov - - 52 ans - 10 août 2004


Trop d'étoiles 5 étoiles

J'ai trouvé ce livre plutôt plaisant, malgré quelques longueurs. Rien de bien exceptionnel, dans le style ou dans les idées...

J'ai un peu de mal à comprendre toute cette avalanche de 5 étoiles.

Le « 5 étoiles » est pour moi réservé aux chefs d'oeuvre absolus. Et vraiment, je ne pense pas que ce livre les mérite, loin s'en faut.

Pourquoi tant d'éloges pour une saga de famille pas vraiment originale ?

Mystère?

Manu55 - João Pessoa - 51 ans - 20 avril 2004


Corps et rection 10 étoiles

Petit jeu de mot sur le titre car même en tant que femme, il est question d'érection des sens. D'érection de ce roman en monument littéraire. Ce roman a du corps, du contexte, du texte et du phrasé.
Bon, j'en fais un peu trop mais j'ai vraiment trouvé dans ce récit au style habillé, des vérités et des mots où je ne savais pas en mettre.

Trefoil - Mons - 55 ans - 18 avril 2004


Peut-être pas lu au bon moment ... 4 étoiles

Bien que je sois entièrement avec les critiques précédentes, je n'ai pas du tout accroché à ce long (beaucoup trop ...) roman. Ce n'est pas tant le sujet ni les personnages qui ne m'ont pas plus que la façon dont Jonathan Franzen le traite. Si en effet, il a une écriture soignée, de brillantes métaphores et le mot juste en de nombreux cas, j'ai malgré tout trouvé son style indigeste. Il s'emporte sur des pages et des pages sur certains sujets, me lassant complétement, m'ennuyant même fermement et me donnant une impression de tourner en rond dans le récit et de ne pas avancer (actions et effets du médicament Corrector, les fraudes lithuaniennes de l'associé de Chip,... )

J'ai reellement peiné pour terminer ce livre. Je suis sévère sur la cote, non pas pour la qualité du livre (les autres critiques montrent qu'il vaut le détour) mais pour le réel ennui qu'il m'a procuré. C'est tellement rare qu'un livre m'ennuie à ce point que je souhaitais le souligner.

Féline - Binche - 46 ans - 16 mars 2004


Laboratoire social 10 étoiles

Hé ben ! Pffiouuu ! Prodigieusement écrite, dans un style dense, lourd parfois même, cette fresque familiale de 700 pages me laisse sur le flanc… Examinés à travers la lentille d’un microscope, les organismes, qui nous semblent habituellement familiers, révèlent leur « bizarroïdité ». Et Franzen, il s’y connaît en loupe… Vus de loin, ses personnages à l’enveloppe corporelle parfaitement normale, mènent une vie anodine. A travers le prisme de l’auteur, qu’est-ce que ça secoue ! Ce microcosme concentre et reflète le malaise sociétal : l’orgueil masque les déchirures, les mesquineries travestissent les profondes frustrations, l’agressivité cache le manque de sens. Vous secouez, donc, et votre éprouvette recrache une famille malmenée, mélange de sucre et de bile. Pourtant, derrière l’amertume pointe le soulagement… Mais il viendra bien tard…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 19 février 2004


«Le bonheur authentique, c’est de réunir la famille pour Noël» 10 étoiles

Chronique de la vie d’une famille de la classe moyenne – une vie ordinaire : Alfred et Enid, soixante-dix ans, et leurs enfants Gary, Chip et Denise. Gary, l’aîné, est à son tour père de famille. Les scènes de ménage, les rapports de forces, les règlements de comptes, l'ambivalence amour-haine ; le désir de prendre ses distances par rapport à la famille, face au devoir d’offrir son soutien et son affection. La réunion de famille à Noël - le grand enjeu de maman Enid - et l’avancement rapide de la maladie de papa Alfred, voici les événements qui mettent à l'épreuve le sens du devoir de leurs fils.
L'auteur n’aime pas ses personnages. Aucun ne suscite l'empathie. Pour moi, la plus détestable est Enid, en mère manipulatrice, hypocrite, obsédée par le qu'en dira-t-on, prêtresse du bonheur formaté. A signaler le thème sous-jacent de la réussite personnelle. Les jeunes Gary, Chip et Denise représentent différents degrés de réussite ou d’échec. Denise vit l'échec de son mariage, mais s’épanouit dans son métier ; Gary a réussi les deux, la vie de famille et la carrière, tandis que Chip a raté les deux. Quant au papa Alfred, son « bilan » est plus riche en détails, plus nuancé.
En toile de fond : le monde universitaire avec quelques clins d'œil à Baudrillard, ensuite les hommes d'affaires et les restaurants chics à Philadelphie, puis la caricature du capitalisme sauvage en Lituanie. Cependant, le point fort du roman reste la vision de la famille. Etonnante, cette impression de vie dans tous ses détails, une vie énorme et pullulante, ressuscitée par une écriture brillante.

Béatrice - Paris - - ans - 8 novembre 2003


Morale de fin de siècle 10 étoiles

On se dit toujours qu'on a tout lu. Et vlan! Voici Jonathan Franzen et son pavé de 700 pages, platement intitulé Les Corrections. Un critique a dit qu'il s'agissait du premier grand roman du XXIe siècle. Il me semble plutôt que c'est le roman typique de la fin du XXe : désintégration du mariage comme institution, de la famille, de la notion de quartier, du tissus social. Rupture très nette entre la génération des années 1950 et celle des années 1960. Confusion sociales, sexuelles. Fragilisation de l'identité. Le bonheur obligatoire, dût-il être chimique.
Tout un monde très ancien meurt sous nos yeux avec la disparition du père, un monde où tout était trop net, trop clair, trop tranché. Un monde d'illusions somme toute. Voilà sans doute pourquoi la famille respire enfin quand celui-ci finit par céder sa place.
Jonathan Franzen veut écrire une fresque sociale à partir du drame individuel des personnages. Je crois qu'il a brillamment relevé le défi.

Vigno - - - ans - 26 mai 2003