Mon village à l'heure allemande
de Jean-Louis Bory

critiqué par Falgo, le 9 février 2013
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Déception
Jean-Louis Bory est pour moi un nom quasi-mythique. Je me souviens avec précision et délices de ses interventions intelligentes, (im)pertinentes, originales lors d'émissions au "Masque et la Plume" où ses joutes avec Georges Charensol sont restées mémorables. Cela dira sans doute quelque chose à certains d'entre nous. En tant qu'auteur, je n'avais encore rien lu de lui, et j'avais souvent entendu parler de "Mon village à l'heure allemande", Prix Goncourt 1945 obtenu par un inconnu de 26 ans.
J'ai dû déchanter. Si ce livre est bien une chronique des années de guerre dans un village pris comme un résumé de la France entière, si de nombreux personnages typiques sont intelligemment présentés, si des situations sont d'une grande drôlerie, si d'autres content la gravité de l'époque, l'ensemble dégage un profond ennui dû, à mon sens, à un bavardage inconsidéré et à un style qui parfois se replie sur lui-même pour se dire combien il est content de lui. Les, réelles, perles que contiennent le récit sont cachées dans un molleton logorrhéique difficile à supporter.
Pas la bonne heure 3 étoiles

Quel ennui ! 350 pages que j'ai péniblement achevées en une bonne semaine, moi qui, d'ordinaire, peut enquiller un roman aussi peu épais en deux jours... J'en attendais beaucoup, de ce roman, Goncourtisé en 1945. C'est le premier roman de Jean-Louis Bory, qui deviendra notamment journaliste/critique culturel ("Le Masque et la Plume", une des plus vieilles émissions de radio françaises, sur, il me semble, France Inter, l'a notamment hébergé), après tout. Et puis l'histoire est intéressante, la vie d'un petit village français pendant l'Occupation. La petite histoire dans la Grande.
Mais quel ennui, vraiment. Le principe de faire parler, séparément (c'est annoncé, à chaque fois, par le nom du personnage), les personnages, de temps en temps, mais aussi de poursuivre une narration indirecte, n'est pas une si bonne idée que ça, car ça alourdit le livre. Même le chien d'un personnage, à un moment donné, intervient, et même le village de l'action, Jumainville, parle aussi, de temps en temps ; original, mais pas concluant.
L'histoire d'un village pendant l'Occupation, avec ses collaborateurs (ils sont assez nombreux, le village s'étant assez bien "adapté" au final) et ses résistants, a été nettement mieux abordée dans l'excellente série TV de France 3, "Un Village Français", qui n'est pas l'adaptation de ce roman, mais en prend le même principe.
Ici, personnages peu sympathiques, ambiance lourde et intrigue peu intéressante, je ne comprends pas trop comment ce roman a obtenu le Goncourt (Colette, alors Présidente de l'Académie Goncourt, a appuyé fortement ce choix, remis en même temps que celui du Goncourt de l'an passé, pour Elsa Triolet), Bory lui-même sortira très amer de cette expérience : selon lui, c'est la malédiction du Goncourt : le roman se vendra bien (super bien, même), mais pour beaucoup de lecteurs, ça restera leur seule lecture d'un livre de Bory. Après, c'est genre "il a déjà obtenu le Goncourt, il n'a plus rien à prouver", raisonnement idiot, mais beaucoup de Goncourtisés ont subi cet effet secondaire du Prix...

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 18 septembre 2021


Dur à appréhender 5 étoiles

Compte tenu de la renommée de cet ouvrage et de son auteur, je m'attendais à trouver ici une chronique précise, acerbe et réfléchie de cette époque agrémentée du style parfois incisif de Jean-Louis BORY.
Le découpage de cette histoire en petites parties, passant de personnage en personnage et de lieux en lieux rend difficile et surtout décevante la lecture.

Vinmont - - 50 ans - 26 juillet 2019


Rien n'a changé ? 7 étoiles

Avril 1944, le vent tourne pour les armées allemandes. Jumainville, petit village français, n'a pas été directement mêlé à la guerre. Ses habitants ont vécu l'occupation avec un certain détachement. C'est selon les opportunités que certains se sont laissés bercer par le marché noir ou la collaboration et d'autres vers une résistance parfois de principe.
La réalité du texte de Bory est, en finalité, que tout le monde déteste au moins la moitié de ses congénères. On s'espionne, on médit gaiement, on dénonce avec entrain et toujours au mieux de ses propres intérêts. Ainsi va la vie, ainsi va la guerre. Si internet avait existé à l’époque les pixels anonymes et hargneux auraient illuminés les écrans !
La famille Boudet, Lécheur, la famille Pluret, la Germaine, l'abbé Varêmes, le maire Morize, l'instituteur Tattignies, Mlle Vrin, et même le village qui se met chuchoter — présentent, chacun dans un discours narratif personnel leur version de tous ces petits événements mi-tus, mi dévoilés à couvert. On se croirait au carnaval ou dans un bal masqué.
Le comité Goncourt se dépêcha de célébrer les vainqueurs avec le très (vraiment très) petit recueil de nouvelles d'Elsa Triolet et le présent roman de Bory. Les auteurs étaient sans tâches officielles appuyés (au propre comme au figuré) l'une par Aragon, l'autre par Colette... la messe était dite.

Que dire ?
Bory n'aimait pas son texte, il fut écrit vite et méritait d'être retravaillé pour aller plus en profondeur. L'auteur n'a pas pu s'exprimer comme il l'aurait souhaité, je pense. Mais les français avaient soif des récits de la guerre gagnée (ou presque) et les éditeurs pressés de faire tourner les rotatives.
Alors voilà MON VILLAGE A L'HEURE ALLEMANDE, soumis à une lecture 3/4 de siècle plus tard.
On ne parle plus beaucoup de ce conflit, les enjeux sont autres : la planète saturée de ses déchets, des défis mondiaux affolants, une population humaine qui se multiplie à la cadence des lapins. Les nantis (nous) vivant confortablement mais on rit moins et quand on rit... on dirait qu'on pleure !
Le village de Jumainville, presque hors du temps, demeure malgré tout une fresque, celle qu’on voit dans les cours de récréation, dans les files d’attente des grands magasins, devant la machine à café des entreprises, sur les quais de gare ou dans les bouchons aux heures de pointe.
Cette hargne est toujours la même !

Monocle - tournai - 64 ans - 8 juin 2019


Chronique des temps troublés 8 étoiles

Chronique de quelques mois d'un village sous l'Occupation, "Mon village à l'heure allemande" nous plonge dans le quotidien des habitants de Jumainville. Des personnages hauts-en-couleur peuplent les maisons. Système D, collaboration, accords avec l'ennemi qui occupe le château, chacun(e) mène sa vie comme il l'entend, en secret... ou presque, puisque dans un village, tout se sait...

La difficulté, à la lecture de ce livre, est de ne pas perdre le fil. En effet, passant par le regard d'un personnage à l'autre, d'un objet à l'autre, ou de Jumainville lui-même qui raconte la vie de ses administrés, Jean-Louis Bory nous livre de courts chapitres, aux multiples rebondissements, ce qui demande beaucoup d'attention afin de ne rien laisser échapper.

Livre écrit "à chaud", l'auteur s'étant inspiré de son propre village pour l'écrire, il semble retracer parfaitement la vie difficile de cette période.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 24 novembre 2013