Profanes
de Jeanne Benameur

critiqué par Norcane, le 25 mars 2013
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Quel délice de finesse
Autour d'un thème très dur, la mort, tout est abordé en finesse et délicatesse et nous mène à réfléchir sur la trace que nous allons laisser, sur la foi et l’existence d'un après...
Ce livre est une perle fine à l'écriture envoûtante et à l'histoire si peu commune qui ouvre tant de possibles mais laisse chacun libre de ses choix et de ses idées. C'est juste un chemin que l'on suit au fil des pages et dont on ressort mûri.
L'amour ne protège pas, mais l'amour... quand même 8 étoiles

Octave Lassalle, pour ses vieux jours, décide de s’entourer. Il passe une petite annonce et découvre quatre personnes qui vont se succéder chaque jour dans sa grande maison. L’un s’occupera du jardin, une autre du rangement, de la lecture, de la cuisine et enfin, une peintre fera le portrait de sa fille, Claire. Claire est morte jeune fille... Et le couple d’Octave et Anna n’y a pas survécu. Octave était chirurgien, il sauvait des vies, mais n’a pas pu sauver sa fille. L’auteur insiste d’ailleurs à plusieurs reprises en disant que l’amour ne sauve pas, ne protège pas. Octave ne se remet pas de son deuil. Il insiste aussi sur le fait que, contrairement à sa femme, il ne croit pas. Ce thème remplit le livre de part en part (« Aucun des quatre n’avait la foi domptée par la religion. Les quatre doutaient. Mais ils luttaient, il le savait ? Et c’est pour cela qu’il les avait choisis.(…)
Un profane aussi a le droit au doute. Le doute n’est pas réservé aux croyants.
J’ai besoin d’autres êtres humains, comme moi, doutant, s’égarant, pour m’approcher de ce que c’est que la vie. (...) J’ai besoin de frotter mon âme à d’autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne.
Je ne cherche à être sûr de rien mais je veux trouver la forme juste de mon doute. »)
Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman, mais tout se passe au niveau des relations des personnages entre eux et au dehors. Chaque personnage, choisi, a vécu une fêlure et cela les rend proches.
Le style est ciselé et touche à la poésie. L'écriture est vraiment très belle ! Les personnages échangent peu de mots, mais sont très sensibles et attentifs aux gestes, aux sens. L’auteur utilise très peu de ponctuation : presque pas de virgules ni de guillemets. Pourquoi ? Pour être plus directe ?
La seule chose qui m’a dérangée, c’est l’attitude de certains personnages qui sont décrits en amour comme des corps sans tête : c’est-à-dire qu’ils se donnent par instinct, sans paroles. Ca peut paraître très beau ou romantique, mais ça me laisse plutôt un goût animal, assez égoïste. Ils semblent penser que sous prétexte qu’on a été blessé, on ne devrait plus s’attacher et tant pis pour ce que l’autre vit !

Pascale Ew. - - 57 ans - 1 novembre 2013


un goût d'inachevé 4 étoiles

Il est des lectures qui laissent un goût d'inachevé... Pour moi, celle-ci en fait partie.
Le thème est sans nul doute intéressant, le scénario original, l'écriture élégante. Et pourtant, pour moi, l'alchimie ne se fait pas vraiment.
J'y ai cru, au début, puis je me suis perdue au fil des chapitres. Tous les personnages qui devraient se dessiner au fil des pages restent flous, esquissés, survolés... Ils ne se rencontrent que superficiellement, et encore...
L'écriture, de fine et élégante, devient rapidement absconse, trop de métaphores, de questions sans réponses. La quête métaphysique d'Octave Lassalle finit par m'échapper. Ses accompagnateurs se succèdent dans "la grande maison", sans que l'on sente se construire quelque chose de fort et de réellement cohérent. Bref, ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable, j'ai d'ailleurs déjà oublié les noms des personnages dont les vies partiellement dévoilées finissaient par me donner l'impression d'un récit décousu dans lequel je n'arrivais pas à m'ancrer.

Papyrus - Montperreux - 64 ans - 15 juin 2013


Le trop serait-il l'ennemi du bien? 5 étoiles

Cinq personnages sociologiquement travaillés dans un décor de choix suffisent ils pour construire un roman? Faut-il plonger aussi résolument dans les questions métaphysiques pour faire de la métaphysique? Les grands romanciers ont toujours su garder la main légère, comme en cuisine le "trop" d'ingrédients tue assurément la subtilité poétique ou philosophique ...
Reste le sujet, tout à fait respectable.

Peche07 - - 67 ans - 11 mai 2013


LA VIE , ET LE VIF ... 9 étoiles

« Profanes », tel est le titre du roman de Jeanne Benameur libellé au pluriel alors que l’on attend un singulier. Ce libellé est justifié par le fait que le roman donne lieu à la radiographie de plusieurs vies ; et tout d’abord de celle d’Octave Lassalle. Cet homme est un chirurgien âgé de quatre-vingt dix ans, à la retraite depuis longtemps et séparé de sa femme, Anna, qui vit à Montréal au Canada. On apprend très vite que cet homme ressent une immense souffrance de cette séparation et de la mort de sa fille Clara, qu’il n’a pu ni opérer ni sauver. Pour dénouer ce nœud gordien, Octave Lassalle élabore une équipe, quatre personnes chargées chacune à son tour, de l’organisation d’une partie de sa journée. Hélène Aurèle, dessinatrice à ses heures, Béatrice Benoît, Yolande Grange, Marc Mazetti, traînant sa nostalgie de l’Afrique, vont rétablir puis configurer très subtilement la relation d’Octave Lassalle à la vie.
C’est ainsi que le docteur Lassalle pressent la renaissance possible de liens : « J’ai retrouvé la passion d' « être « au service » de quelque chose qui me dépasse, que je ne nomme toujours pas mais qui me tient . Toujours. Chez les quatre, c’est cela que j’ai flairé. »
Le véritable thème de ce roman, ce sont des questions éternelles : qu’est –ce qui justifie nos vies, les rend utiles ? Quelle est la meilleure voie pour les expliciter, les embellir ?
Tout d’abord, être profanes, nous dit l’auteure : « Il pense à l’étymologie du mot profane : celui qui est devant le temple. Au cœur de chacune de leurs vies, le temple .Vif . » Au-delà de ce constat, c’est le caractère impératif du maintien des liens entre les humains qui est éloquemment rappelé : « Les quatre que j’ai choisis sont des humains comme moi. Le frottement de nos vies les unes contre les autres, c’est à ça que je crois. »
Ce qui rend ce roman si attachant, c’est aussi l’hommage aux mots, à leur puissance d’évocation, lorsqu’ils se condensent à l’extrême, comme dans les Haïkus japonais que Jeanne Benameur fait citer à son personnage principal, Octave Lassalle, quand il veut éclaircir ses intentions auprès de son quatuor d’invités. L’esprit de ce roman peut être illustré par une confession d’Octave Lassalle : « Je suis un homme de l’immanence, pas de la transcendance. Je n’ai pas tenté l’impossible . Penser réussir, c’était déjà accéder à une dimension qui me plongeait dans l’effroi. Aujourd’hui, je me dis que mon véritable effroi, c’était peut-être de réussir. »
Avec une écriture dépouillée, des mots simples, des phrases courtes, Jeanne Benameur nous livre une magnifique leçon de vie qui n’est jamais édifiante, ni évidente . C’est ce qui contribuera très sûrement au succès probable de ce livre à recommander pour apprendre, un peu, à vivre !

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 9 avril 2013