Décidément, le tableau que nous brosse Kenneth Cook de l’Australie au fil de ses romans n’est pas glamour. Après les cinglés de l’outback (« Cinq matins de trop »), voici les brutes épaisses, gavées à la bière et dont l’horizon du week-end ne dépasse pas le bar local, les hectolitres de bière à ingurgiter et les coups à tirer. Les coups à tirer et à donner, car « coups redoublés » fait bien référence à des coups … de poing, ou de masse pour abattre les animaux.
La construction de ce court roman est déroutante de prime abord puisque Kenneth Cook nous fait rentrer de plain – pied dans un procès en cours, au cours duquel les trois intervenants ; le procureur, l’avocat de la défense et le juge, font avancer l’histoire – en flash-back – au fur et à mesure de leurs interventions. L’originalité supplémentaire est qu’on ne découvre qui est jugé et qui fut la victime qu’à la toute fin, un procédé assez bluffant dans la mesure où l’histoire nous est justement racontée pour qu’on puisse se faire une idée du jugement à rendre !
John Verdon et Bob Harris sont deux jeunes australiens, frustres (avec Kenneth Cook on finirait par croire qu’il n’y a que des êtres frustres en Australie !), la vingtaine d’années. Ils travaillent tous deux comme abatteurs de bœufs à l’abattoir local et passent systématiquement le week-end à l’hôtel-bar local, à descendre des bières, chercher la bagarre et honorer leur quota de sexe (pas belle la vie australienne selon Kenneth Cook ?!!).
Et quelque chose déraille ce samedi précis, le samedi du drame. Rien ne se déroule comme de coutume, à commencer par l’apparition dans le bar de Peter Watts, pas vraiment « gaulé » en brute, pas intégré à un quelconque clan et qui va finir par devoir subir un conflit terrible avec John Verdon, le plus décérébré du lot de brutes que nous propose Kenneth Cook.
En fait, davantage que l’histoire que le lecteur finit par reconstituer, qui mène au procès, c’est l’environnement de ce bar-hôtel, de son propriétaire sans scrupules, de la faune qui le fréquente et de l’indigence de la vie sociale locale qui est le véritable sujet.
C’est de la sociologie que fait Kenneth Cook, sociologie de « l’homo australianus », et ce n’est pas joli – joli …
Tistou - - 68 ans - 28 juillet 2014 |