Monteriano
de E.M. Forster

critiqué par TRIEB, le 17 janvier 2013
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 72 ans)


La note:  étoiles
UNE REVELATION TOSCANE
E. M. Forster est de ces auteurs britanniques qui ont illustré l’état de la société anglaise du début du siècle dernier , plus exactement d’une certaine bourgeoisie : habitée par un complexe de supériorité dû à la situation dominante de l’empire britannique à cette époque , et mue par le respect des convenances ; le tout associé irrémédiablement à un puritanisme des mœurs et un conformisme dans le mode de relation aux étrangers , qu’ils fussent des étrangers par la nationalité , ou la classe sociale .

Lilia Lawrence, jeune femme de la bonne société de Sawston, localité située près de Londres, est veuve. Ce deuil, tout récent, elle le veut le surmonter et échapper du même coup au conservatisme étouffant de Sawston par un voyage en Italie, en Toscane, vers la ville de Monteriano, nom fictif qui désigne en fait San Gimignano.

Pourtant, un accroc survient : Lilia rencontre un Italien du nom de Gino Carella, jeune homme se morfondant quelque peu à Monteriano et à la recherche d’un confort matériel, accessible, pense-t-il, par le mariage. Elle l’épouse. Cette union est dénoncée immédiatement par la famille de Lilia, dont Philippe Herriton, son, beau-frère , se fait le porte-parole . Lilia meurt . Philippe se rend en Italie, tente de négocier, en vain, avec Gino, pour rapatrier l’enfant que Lilia a eu avec Gino.
Philippe, durant l’accomplissement de ces démarches un peu désespérées, dialogue avec Caroline Abott, gouvernante de Lilia. Elle est âgée de 23 ans et révèle , peut-être involontairement , la fausseté induite par l’éducation britannique dans la conduite humaine : insincérité des sentiments, manque de générosité, extériorité vis-à –vis du monde : « Aucun d’eux ne comprit que le conflit les dépassait, qu’il était national , que des générations d’ancêtres, bons, mauvais , ou indifférents , interdisaient à l’homme latin de se montrer chevaleresque envers la femme nordique, comme à cette dernière de pardonner à l’homme latin . »

Ce roman est une illustration de la difficulté de se comprendre et d’échanger pour des individus issus d’horizons hétérogène ; il illustre de manière très convaincante les illusions procurées par les certitudes trop bien étayées et balayées par un déplacement dans une terre étrangère : « Philippe ne soupçonna pas qu’il avait, lui aussi, acquis plus de grâce. Car notre vanité est telle que nous tenons pour immuable notre propre personnage et que nous sommes lents à en reconnaître les variations, même favorables. »