Le Commandeur
de Pierre Benoit

critiqué par Shelton, le 12 janvier 2013
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Une curiosité à lire ? Pour les fans de PB, pourquoi pas !
Nous voilà en face d’un roman particulier de Pierre Benoît, particulier en ce sens qu’il va déroger, d’une certaine façon, à des règles qu’il s’était lui-même imposées. Donc, rien de très grave et chaque lecteur, y compris parmi les plus assidus à l’œuvre de Pierre Benoît, devrait arriver à y trouver ses petits, c’est à dire le plaisir légitime du lecteur, ce que chacun ici considère comme un droit inaliénable…

Tout d’abord, vous allez avoir du mal à trouver votre héroïne avec un prénom qui commence par un A, la fameuse manie du romancier. En fait, vous découvrirez bien une certaine princesse Amparida, mais elle n’est pas, du moins à mon avis, le personnage central de ce roman. Deux êtres se partagent le devant de la scène, le Commandeur, autrement appelé aussi Bernard-Marius Cazeneuve, et la reine Ranavalo Manjaka, reine de Madagascar et vivant à Tananarive…

Là, les choses se compliquent quelque peu, car, ce Cazeneuve, cette reine, sont des personnages qui ont bien existé. Pierre Benoît s’est « contenté » de romancer une histoire véritable qui eut lieu dans l’île de Madagascar, en 1886. Marius Cazeneuve est un illusionniste patriote et il vient à la fois pour éblouir son public, y compris la cour de la reine, et ridiculiser, si c’est possible, les Britanniques qui sont sur le point de conclure un accord historique avec l’île encore indépendante qui joue avec les convoitises occidentales…

Ranavalo est une jeune reine, influençable, qui ne demande qu’à se distraire et qui n’est pas très au fait des choses diplomatiques. Son mari, plus âgé, premier ministre en titre, semble tenir en main les destinées du pays et il construit la future alliance avec les représentants de sa Gracieuse Majesté, la fameuse Victoria…

Je vous laisserai découvrir les tenants et aboutissants de l’histoire et les conséquences pour l’histoire de Madagascar. Mais revenons-en au roman de Pierre Benoît dans son concept, dans sa construction et son écriture. Pour une fois, le romancier s’appuie de façon très marquée sur une histoire à la fois réelle et partiellement décrite dans « A la cour de Madagascar, magie et diplomatie ». Pierre Benoît n’hésite pas à citer de très longs passages de l’ouvrage original, entre autre pour décrire par le détail, c’est le moins que l’on puisse dire, les soirées d’illusionnisme qui ont enchanté la cour, la reine en particulier qui semblait fascinée par la dextérité du magicien…

Dans un deuxième temps, exploitant le fait que cette reine et le magicien français aient eu une certaine forme d’intimité – le magicien étant apparemment devenu médecin particulier de la reine – le romancier imagine que cette intimité ait pu devenir plus profonde et que les deux êtres soient devenus frères de sang lors d’un engagement officiel, le fatidra…

Aujourd’hui, ce roman de Pierre Benoît est remis en cause par certains tenants de l’histoire nationale de Madagascar et on trouve encore de nos jours des articles qui l’accusent d’avoir écrit ce roman (par exemple dans L’Express de Madagascar, 2 juin 2012, sous la plume de Pela Ravalitera) et de ternir la mémoire de la reine…

Personnellement, je ne prends pas parti dans le débat ne connaissant rien sur l’histoire de Madagascar. J’ai bien conscience que Pierre Benoît est de son temps, que les colonies sont une belle réussite de la France, que les Français se doivent de porter les couleurs de leur démocratie, de leur culture… A ce titre, les critiques du roman peuvent être justifiées…

Par contre, on peut lire ce roman de la façon la plus simple qui soit, comme une belle histoire et à ce moment-là, soyons honnête, il faudra reconnaître que ce n’est pas le meilleur roman de notre romancier, même si, je dois avouer que la lecture apporte quelques satisfactions…

C’est aussi un roman d’un homme qui approche de la fin de sa vie, sa femme est au bord de la mort quand il écrit le texte, elle est morte quand il sort en librairie et lui ne va jamais se remettre de cette disparition…

Un roman à oublier ? Peut-être, si on excepte les amateurs inconditionnels qui voudront tout lire Pierre Benoît…