Lupus - L'intégrale
de Frederik Peeters

critiqué par Blue Boy, le 9 janvier 2013
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Roman graphique + SF = Lupus
Dans un futur plus ou moins lointain, Lupus et son pote Tony butinent de planète en planète à bord de leur vaisseau d’occase au look pas très aérodynamique… Un peu junkies, un peu marginaux, les deux compagnons arpentent l’espace sans but précis, si ce n’est celui guidé par le manque. Heureusement, Tony connaît les meilleurs coffee shops de la galaxie. Au fil de leurs pérégrinations, ils croiseront sur leur chemin Sanaa, une jeune fille secrète à la beauté mystérieuse, qui ne rêve que d’une chose : quitter la cage dorée d’un père à la tête d’un des plus gros conglomérat minier du système, loin d’une terre grise et poussiéreuse, juste pour voir à quoi ressemble un arbre… Mais Lupus, au lieu de se méfier, tombera sous le charme de cette pauvre petite fille riche, lucide et candide à la fois, qui se sent « comme un trou noir, une boule d’antimatière » et affirme porter « beaucoup de malheur »… Il aura hélas l’occasion de le vérifier, et bien plus vite qu’il ne le croit…

C’est une BD très racée à laquelle on a affaire ici, dans un genre unique situé entre SF et roman graphique… inclassable, subtile, bien construite, captivante, profonde, poétique, onirique, littéraire, émouvante, envoûtante, fantaisiste, drôle, sensuelle, avec des personnages attachants aux personnalités fouillées… Rien à redire au niveau du trait qui me plaît vraiment beaucoup et me semble s’être affiné au fil de la série. Un beau noir et blanc aux courbes fluides et élégantes, une ligne épurée, hachée ou foisonnante selon les moments, un cadrage efficace s’attardant parfois sur des détails a priori insignifiants, bref, un vrai plaisir des yeux. F. Peeters semble décidément fasciné par toutes les choses qui poussent, prolifèrent, grouillent, serpentent et ondulent, végétales ou animales, géantes ou microscopiques, apparaissant régulièrement telles des images subliminales pour souligner un instant particulier ou créer une atmosphère… renforçant l’étrangeté de cette ambiance spatiale déjà particulière… le paysage est plus suggéré que dessiné, passant en quelque sorte au second plan derrière la psychologie des personnages, qui nous sont si proches qu’on pourrait tout à fait imaginer les rencontrer dans une rue de Paris, Guéret ou Bangkok… L’espace et ses planètes ne sont ici qu’une métaphore permettant de dramatiser le récit, un prétexte servant à montrant que l’environnement, si vaste et fantastique soit-il, ne fait jamais oublier aux hommes leurs limites et leur condition tragique…

Amateurs de SF, de polars, d’aventures, de poésie ou de littérature, anars, écolos ou alter mondialistes, chacun pourra y trouver son compte dans cet univers qui réussit avec brio le pari pas si évident de transporter le lecteur avec une économie de moyens… Une réussite dans le domaine du roman graphique !

Bref, cette BD sent le vécu. Incontestablement, Frederick Peeters a produit quelque chose de très original et très personnel, réunissant les extrêmes (introspectif/aventure, familier/futuriste, microscopique/galactique, humoristique/tragique…). Tout aurait pu être parfait si le déséquilibre n’avait été rompu dans la deuxième partie, où le sérieux tend à l’emporter sur la légèreté…