Ca m’est apparu rapidement quand j’ai entamé la lecture de ce Faire un prisonnier, il s’agit d’un chapitre du roman La main coupée, lu en ce qui me concerne trois ans auparavant. C’est pour autant avec beaucoup de plaisir que j’ai relu ce morceau de La main coupée.
Blaise Cendrars me semble plus à l’aise avec la relation d’évènements par lui vécus que dans la fiction. On le sent très à l’aise, jubilatoire, dans ces propos concernant un épisode de sa participation à la Première Guerre Mondiale. Jubilatoire, oui, comme un gosse qui raconterait sa partie de « cow-boys et les indiens » ! Particulièrement ce chapitre, moins dramatique que l’épisode « main coupée » proprement dit.
Notre narrateur, Blaise Cendrars himself même si le nom n’apparait pas, est caporal dans une espèce de corps franc, directement sous l’autorité du Capitaine Jacottet, le protecteur de cette tête brûlée qu’est notre romancier. Il a son escouade et ne vit pas, à ce moment, la dure vie des fantassins qui croupissent dans la boue. Lui et sa brigade doivent sécuriser une zone limite du front, une zone marécageuse. Ils ont beaucoup de liberté et ne s’embarrassent pas des protocoles militaires.
Mais voilà que le supérieur de Jacottet, un colonel faisant office de général, exige de Jacottet qu’on lui ramène un prisonnier. Il y a effectivement des mouvements suspects sur le front, et notamment suspicion de voir débarquer côté allemand des volontaires polonais. Et Jacottet n’a guère de commandos que du côté de Cendrars et son escouade. Il lui met la pression (d’autant que Blaise Cendrars et ses hommes ont régulièrement des choses à se faire pardonner par la hiérarchie normale) ; il lui faut un prisonnier pour pouvoir l’interroger. Un plan rocambolesque est imaginé dans lequel personne ne croit et qui, contre toute attente, va permettre de ramener un prisonnier (en réalité un déserteur).
C’est traité d’une manière plus ludique que tragique (et pourtant nous sommes au cœur de la « boucherie » européenne), comme si Blaise Cendrars – comme il le dit à un moment – avait la « baraka » et qu’il ne pouvait rien arriver à lui et ses hommes dans ce coup de main pour capturer un prisonnier.
»Spécialiste de la patrouille et des coups de main, mon escouade devint le noyau de la section franche et les amateurs étaient nombreux qui se présentaient pour en faire partie, bien entendu à cause du supplément de pinard et du triple boujaron de rhum dont nous jouissions, mais aussi parce que j’ai toujours eu beaucoup de veine en patrouille et que jamais je n’ai eu un homme ni blessé ni perdu.
Tistou - - 68 ans - 7 janvier 2020 |