Enfants violés et violentés : le scandale ignoré
de Gérard Lopez

critiqué par Shelton, le 3 janvier 2013
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
J'en reste sans voix...
Je sais bien que l’on va trouver à redire à cette chronique car quand on s’attaque à un tel sujet cela ne peut que faire mal… Oui, notre société est malade, il faut oser le dire et l’ouvrage de Gérard Lopez donne des éléments factuels que nous aurions tort de ne pas entendre et prendre en compte…

Alors qu’une partie des Français nous dit, à l’occasion du débat sur le Mariage pour tous, qu’il faut systématiquement prendre l’intérêt de l’enfant en compte – ce que je ne conteste pas du tout – je voudrais donner ce chiffre sidérant et époustouflant, attristant et révoltant : un enfant meurt tous les jours, en France, sous les coups de ses parents !

Certes, cela ne signifie pas qu’il faudrait négliger tous les autres aspects de la souffrance des enfants, en particulier les actions des pédocriminels, le harcèlement à l’école, la pauvreté… Ce n’est pas non plus, reconnaissons-le un argument qui nous aidera dans le débat sur le Mariage pour tous, mais c’est si important que l’on peut s’interroger du manque de réactivité des pouvoirs publics dans ce domaine… ce serait comme une fatalité…

Nous avons tous suivi, par médias interposés, l’affaire dite d’Outreau. Or, si mes souvenirs sont bons, il y eut d’une part un rejet de tous ces adultes criminels, un peu comme si cela nous dédouanait de quelque culpabilité cachée – notre silence par exemple – puis une révolte contre la justice qui s’était fourvoyée en accusant certains parents à tort. Du coup, dans les mois qui suivirent, il y eut en général une grande prudence face au témoignage des enfants susceptibles d’avoir été victimes de sévices sexuels… Et, c’est une certitude, des enfants n’ont pas été crus quand ils avaient osé parler…

Or, ces enfants violés et violentés sont d’abord victimes de leurs proches, des membres de la famille. Avant de s’interroger sur les causes lointaines des risques, avant de comprendre qui pourrait être ou non de bons parents, il faudrait comprendre comment on pourrait aider les parents à ne pas tomber dans ce cercle inadmissible de la violence comme moyen d’expression, de communication, de vie… Est-ce possible ?

Aide à la parentalité, école des parents, conseillers familiaux, acteurs sociaux et familiaux, pédagogues, éducateurs spécialisés… de très nombreux adultes tentent d’aider, de remédier, soigner, corriger pour éviter le drame… Et, pourtant, il est bien là !

Mais ce n’est pas tout ! Pourquoi, alors que l’enfant est là, qu’il a subi l’indicible, pourquoi sous-estime-t-on sa souffrance, pourquoi ne la prend-on pas en compte et pourquoi laisse-t-on encore tant souffrir ?

C’est un peu tout cela que l’on va trouver dans cet ouvrage qui s’adresse bien sûr en tout premier lieu aux professionnels de la petite enfance, aux acteurs de la santé, aux travailleurs sociaux mais aussi aux politiques qui ont là une cause qui devrait être nationale et absolue, aux associations familiales qui devraient être beaucoup plus informées de cette réalité dramatique, enfin à tous ceux qui veulent que cesse un tel scandale !

Il n’est pas possible de résumer l’ouvrage dont la lecture devrait s’imposer à beaucoup pour comprendre d’une part comment on arrive au pire, mais aussi les conséquences de ces violences sur l’enfant et sur l’adulte qu’il va devenir. On voit aussi comment les scientifiques, les médecins, les psys peuvent s’affronter avec leurs thèses, hypothèses et systèmes de pensée en finissant par oublier l’essentiel, l’enfant…

En refermant cet ouvrage, je me suis dit qu’il faudrait repenser notre système éducatif pour que dès le plus jeune âge on mette en place – je ne dis pas que l’on explique mais bien que l’on mette en place – une organisation sociale et scolaire où le dialogue, la parole, la médiation, la pédagogie seraient les règles d’or. C’est peut-être ainsi que l’on formerait des adultes capables de fonctionner autrement que la puissance, la violence, l’autorité, la pulsion, l’envie, le désir…

Enfin, pour ce qui est du traitement des victimes, il est urgent que l’on puisse avoir une meilleure coordination entre les différents acteurs, y compris les pédagogues scolaires qui souvent sont maintenus dans l’ignorance alors qu’un minimum de connaissances permettrait de fonctionner beaucoup mieux…

Pour conclure mon état d’esprit à l’issue de cette lecture, je crois qu’il faut que chacun d’entre nous comprenne bien que la souffrance des enfants n’est pas un phénomène rare et lointain. Il est là à nos côtés et dans chacune de nos familles il y a des enfants qui souffrent… Il ne tient qu’à nous que cela change, dès aujourd’hui ! Ouvrons les yeux ! Ouvrons les oreilles ! Accueillons, ouvrons les mains, osons regarder les réalités, les faits et acceptons de faire appel aux professionnels quand il le faut…

Voilà, malheureusement, un livre essentiel qui devrait être dans toutes les bibliothèques d’associations familiales, dans les salles de professeurs, dans les permanences des députés…