Gobseck et autres récits
de Honoré de Balzac

critiqué par Plume84, le 3 janvier 2013
(Vecoux - 40 ans)


La note:  étoiles
C'est ce que j'aime chez Balzac ...
Une plume découverte bien tardivement, celle d'Honoré (de) Balzac. J'ai dû lire La Peau de Chagrin au collège ou au lycée mais je n'ai jamais pris la peine de faire connaissance avec l'auteur.

Le curé de village (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/11179) fut mon premier coup de coeur, puis La Recherche de l'absolu (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/31809) vint illuminer ma vie de lecteur. Il est et restera sans doute "mon préféré". La première nouvelle de ce grand écrivain qu'il m'a été donnée de lire fut "Le Colonel Chabert" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5869). Il est bien sympathique ce soldat d'outre-tombe qui revient dans le monde des vivants pour réclamer son dû. On s'y attache un peu malgré nous.

Mais Gobseck est, parmi ceux que je connais, le personnage balzacien le plus fascinant. Il chérit l'or, l'argent pour ce qu'ils représentent, le pouvoir. On pourrait presque déceler dans cette nouvelle la description d'un personnage fantastique. L'écriture de Balzac n'y est sans doute pas étrangère.
Qui a l'or a le pouvoir.

Un portrait de Gobseck :
« Cet homme singulier n'avait jamais voulu voir une seule personne des quatre générations femelles où se trouvaient ses parents. Il abhorrait ses héritiers et ne concevait pas que sa fortune pût jamais être possédée par d'autres que lui, même après sa mort. Sa mère l'avait embarqué dès l'âge de dix ans en qualité de mousse pour les possessions hollandaises dans les grandes Indes, où il avait roulé pendant vingt années. Aussi les rides de son front jaunâtre gardaient-elles les secrets d'événements horribles, de terreurs soudaines, de hasards inespérés, de traverses romanesques, de joies infinies : la faim supportée, l'amour foulé aux pieds, la fortune compromise, perdue, retrouvée, la vie maintes fois en danger, et sauvée peut-être par ces déterminations dont la rapide urgence excuse la cruauté. Il avait connu M. de Lally, M. de Kergarouët, M. d'Estaing, le bailli de Suffren, M. de Portenduère, lord Cornwallis, lord Hastings, le père de Tippo-Saeb et Tippo-Saeb lui-même. Ce Savoyard, qui servit Madhadjy-Sindiah, le roi de Delhy, et contribua tant à fonder la puissance des Marhattes, avait fait des affaires avec lui. Il avait eu des relations avec Victor Hughes et plusieurs célèbres corsaires, car il avait longtemps séjourné à Saint-Thomas. Il avait si bien tout tenté pour faire fortune qu'il avait essayé de découvrir l'or de cette tribu de sauvages si célèbres aux environs de Buenos-Ayres. Enfin il n'était étranger à aucun des événements de la guerre de l'indépendance américaine. Mais quand il parlait des Indes ou de l'Amérique, ce qui ne lui arrivait avec personne, et fort rarement avec moi, il semblait que ce fût une indiscrétion, il paraissait s'en repentir. Si l'humanité, si la sociabilité sont une religion, il pouvait être considéré comme un athée. »

Les autres nouvelles sont également intéressantes et méritent que l'on s'y attarde :
Maître Cornélius et Facino Cane tournent aussi autour de la fascination pour l'argent.
Adieu est un récit bien plus singulier qui mêle à l'amour la folie la plus mystérieuse.

La lecture de ces quatre nouvelles fut pour moi un florilège de moments singuliers, précieux car parfois insaisissables et toujours envoûtants.

Je ne peux que vous inciter à prendre quelques heures pour vous plonger dans ces courts récits !
La meilleure nouvelle de Balzac 10 étoiles

Balzac signe là une nouvelle impressionnante sur le personnage de l’usurier Gobseck. Impressionnante tant par la qualité d’écriture (comme d’habitude !) que par la description de la fonction d’usurier et du personnage qui occupe cette fonction, racontée par un jeune avocat qui a eu affaire avec lui. Cela a de fascinant qu’en tant qu’usurier, Gobseck a une place privilégiée et unique pour constater et observer les ressorts les plus secrets et les plus bas des passions humaines et l’envers caché des vies qui brillent en apparence. Car faire appel à l’usurier, c’est être dans une extrémité désespérée, où l’usurier est vu comme le dernier recours pour sauver la tenue de rangs perçus par le monde comme enviables, même au prix de taux d’intérêts exorbitants. Gobseck, c’est la peinture d’une âme qui s'est faite une philosophie de l’existence particulière pour pouvoir pratiquer sans sourciller l’usure aux dépend de gens qui tentent de cacher toute leur hideuse et hypocrite misère humaine.

C’est aussi un récit d’aventures financières où prêts, héritages, thésaurisation, soif de l’or, amours trahis, manipulations familiales forment une trame à la fois réjouissante et affligeante pour le lecteur, malgré qu’on ne comprenne pas tout aux termes techniques propres à la finances et au notariat de l’époque. C’est dense et complexe, d’une grande richesse condensée en une nouvelle qui ne fait pourtant que 55 pages et qui donne à voir l’envers des passions humaines.

Certainement la meilleure nouvelle de Balzac que j’ai lue jusqu’ici.

Et pour agrémenter le tout, il faut lire la préface de Philippe Berthier (éditions GF Flammarion 1984), extrêmement éclairante et superbement écrite, qui met à jour les sens cachés du texte de Balzac, qui démontre qu’il n’est pas écrit au hasard mais est bien le produit d’une composition mûrement réfléchie, aux objectifs bien définis. Une excellente et très intéressante préface qui rend honneur à l’écrivain de génie qu’était Balzac.

Cédelor - Paris - 52 ans - 10 novembre 2020


l'usure 7 étoiles

Aucun document, dans la correspondance de Balzac ou dans les témoignages, ne permet de dater la conception et la composition du texte. Il reste un manuscrit morcelé et incomplet. La première ébauche de l'intrigue de Gobseck paraît le 6 mars 1830 dans "La Mode" sous le titre L'Usurier, avec le surtitre Mœurs parisiennes. La nouvelle est reproduite quelques mois plus tard, dans "Le Voleur" du 10 août 1830.
En avril 1830, la première édition contrôlée par Balzac paraît sous le titre Les Dangers de l'inconduite, dans le tome premier des Scènes de la vie privée (Mame-Delaunay et Vallée).
La « troisième » édition voit le jour sous le titre Papa Gobseck.
L'édition (Furne, septembre 1842) paraît sous son titre final Gobseck dans Scènes de la vie privée.
C'est donc cette édition qui sera prise en compte comme l'édition de base.

L'histoire de Gosbeck un des cinq "grand usurier" de Paris, racontée par l'avoué Derville sans doute son seul ami.
On entend par grand usurier ceux qui pouvait avancer d'énormes sommes, le taux pratiqué allait de 15 à 100 %. Les garanties étaient couvertes par des billets à ordre (méthode encore pratiquée actuellement sous forme de "traite acceptée"). Les billets pouvaient se céder et se négocier et faisaient ainsi une monnaie parallèle.
Le Comte et la Comtesse de Restaud seront ainsi les cibles de l'usurier, jusqu'à la banqueroute.
A la mort de Gosbeck, on découvrit dans sa maison transformée en silo des trésors mais aussi quantité de produits avariés. Il gardait tout, amassait la moindre chose comme si sa vie en dépendait.
Il mourut seul et sans descendance.

Pas de datation précise. le texte laisse supposer que les années 1830 servent de pivot.
Personnages du récit

– Jean-Esther GOBSECK : né à Anvers d'une juive et d'un Hollandais.

– DERVILLE : avoué. Narrateur de Gobseck, il rétablit la fortune de la vicomtesse de Grandlieu et veille à la fortune des Restaud.

– Vicomtesse de GRANDLIEU : rétablie dans sa fortune par Derville qui gagne son procès contre l'Etat lors du retour des Bourbons. Elle assiste à une soirée chez Mlle des Touches dans Le Cabinet des Antiques, et accueille la comtesse Félix de Vandenesse après la révolution de Juillet dans Une Fille d'Eve.

– Comtesse Anastasie de RESTAUD

– Comte de RESTAUD : mari malheureux.

– Comte Maxime de TRAILLES : vicomte anonyme avant l'édition de 1835.

Monocle - tournai - 64 ans - 9 septembre 2020


Un sombre personnage 9 étoiles

Où j’ai découvert que tous les épisodes de la Comédie humaine ne sont pas des romans fleuves…
Après avoir lu le Père Goriot et Splendeurs et misères des courtisanes, j’ai appris qu’un roman était consacré à ce personnage un peu maléfique qui règne dans l’ombre et j’ai acheté Gobseck.
Une centaine de pages pour dresser le portrait de cet aventurier juif devenu usurier animé par passion de l’or, guidé par une connaissance instinctive des passions et faiblesses humaines, attaché à respecter la règle et l’esthétique de son métier. Impitoyable et avare jusqu’au bout.
Un petit bijou avec des formules d’anthologie à lire absolument.

Romur - Viroflay - 51 ans - 10 décembre 2016