Energie et équité
de Ivan Illich

critiqué par Falgo, le 30 décembre 2012
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Un pionnier bien oublié
Très célèbre dans les années 1960-70, Ivan Illich est aujourd'hui bien oublié. Et pourtant, relire son essai "Energie et équité" fait regretter que sa pensée n'ait pas été assez prise en compte.
Car il s'agit bien d'une vraie pensée, une réflexion sur le devenir humain hors de modes, des habitudes et des systèmes intellectuels établis. Une chape de mépris est tombée sur son oeuvre, dont témoigne en un certain sens la critique de Sakhti de ses oeuvres complètes.
Illich sort du cadre politico-économique qui a formaté notre monde depuis des siècles et donc des paradigmes explicatifs situés dans celui-là.
Pour Illich, en 1975 on est au lendemain du premier choc pétrolier, c'est fondamentalement une crise de l'énergie qui nous menace et, plus précisément la quantité d'énergie consommée par tête. "L'utilisation de hauts quanta d'énergie a des effets aussi destructeurs pour la structure sociale que pour le milieu physique." Il rejoint en cela Jared Diamond, mais c'est la structure sociale qui intéresse Illich, laissant à Diamond, qui ne le cite pas, l'environnement.
S'appuyant sur le fait que la technique moderne peut être économe en matière d'énergie, son avis est "qu'il faut qu'une société limite d'elle-même la consommation d'énergie de ses plus puissants citoyens." Il insiste sur la notion de seuil, paradigme essentiel de son oeuvre. Il existe un seuil, à déterminer, au delà duquel l'augmentation de la consommation d'énergie se fait au détriment de l'équité.
Il indique alors les dégradations des systèmes politiques, sociaux et culturels qui vont se dérouler, la principale étant la montée des inégalités, l'accroissement de la pauvreté des uns contribuant paradoxalement à la prospérité des plus riches.
Cela vous dit quelque chose?
L'un des points qui retient son attention est la démentielle quantité d'énergie dépensée au transport des personnes, imposition réalisée par le système industrio-capitaliste. Celui-ci induit une sur-consommation de produits qui est avec le mythe de la vitesse une des causes profondes de nos malheurs.
Illich pense donc à la voie d'une sortie de l'organisation actuelle du monde pour l'infléchir dans le sens d'une moindre consommation énergétique pour atteindre "à l'âge industriel de la mâturité technique". Cela signifie une profonde transformation de nos modes de vie individuelle et collective.
Par son refus du communisme comme du capitalisme, on comprend que la pensée d'Illich ait été ensevelie sous le sable de l'oubli. Sans aller jusqu'à ouvrir les portes d'un monde nouveau, ni à en dessiner les contours, il avait, très tôt, jeté les bases d'un indispensable renouveau. J'en trouve les traces, parmi d'autres auteurs, chez Edgar Morin qui, curieusement, ne se réfère pas à lui mais emprunte plusieurs de ses pistes.