Comme l'écrit Semprun lui-même, "ce livre est le récit de la découverte de l'adolescence et de l'exil, des mystères de Paris, du monde, de la féminité. Aussi, surtout sans doute, de l'appropriation de la langue française."
Ecrit après "l'écriture ou la mort", ce livre nous transporte dans une époque antérieure à celle qui vit Semprun éprouver dans sa chair et son âme l'horreur concentrationnaire. L'essentiel du récit se situe lorsque le jeune Semprun, récemment inscrit au lycée Henri IV, découvre Paris et sa vie intellectuelle foisonnante. Lui, le jeune exilé gauche (il n' a guère que quinze ans à l'époque mais témoigne déjà d'une maturité exceptionnelle) se trouve soudainement placé dans la position non seulement de l'étranger mais du vaincu (Madrid vient de tomber aux mains des franquistes). Son français est encore hésitant mais il va s'approprier cette langue en quelques mois, perdant jusqu'à son accent ."Pour préserver mon identité d'étranger, écrit-il, pour faire de celle-ci une vertu intérieure, secrète, fondatrice et confondante, je vais me fondre dans l'anonymat d'une prononciation correcte". Cela sans cesser d'être "rouge espagnol, à tout jamais".
Ces années fondatrices, précédant immédiatement le déclenchement de la seconde guerrre mondiale, seront aussi pour l'auteur celles de la découverte de la philosophie, de l'amitié, du corps des femmes.
Tout cela nous est conté de manière non linéaire, une anecdote en entraînant une autre qui elle-même etc. Ce dillettantisme de la narration allié à une grande rigueur intellectuelle concourt pour beaucoup au charme de cet ouvrage qui, s'il n'a pas la force tragique de 'l'écriture ou la vie" n'en demeure pas moins hautement recommandable.
Guermantes - Bruxelles - 77 ans - 14 mai 2007 |