Lyautey l'africain ou le rêve immolé (1854-1934)
de Jacques Benoist-Méchin

critiqué par Chene, le 23 décembre 2012
(Tours - 54 ans)


La note: étoiles
Le rêve humaniste de Lyautey, la réalité cruelle de l'histoire
L’entreprise coloniale était une erreur. Elle était pourtant inévitable. C’était le jeu de grandes puissances de l’époque. Le Maroc a été un protectorat français. Il aurait pu tout aussi bien être britannique, Germanique voire Hispanique. Guillaume II avait des vues sérieuses sur le Maroc. Il a fallu un accord prévoyant l’échange de territoires entre la France et l’Allemagne au Congo pour éviter une guerre dès 1911. Suite à cet événement, Lyautey a été nommé résident général du Protectorat du Maroc en 1912. Ce sera l’œuvre civilisatrice de sa vie. Ayant pour principe « je ne construis pas pour le présent mais pour l’avenir », Lyautey sera un urbaniste : Nouvelles villes, canalisation, assainissement des eaux, routes, construction de ports, hôpitaux, écoles et même mosquées…. Lyautey aime le Maroc et les Marocains et veut se faire aimer d’eux. Comme le fut Bonaparte en Egypte, il respectera la religion musulmane, respectera les coutumes et les mœurs du pays, sera un constructeur et se laissera une grande marge de manœuvres au sultan du Maroc. Il était opposé à la colonisation tel qu'elle se faisait en Algérie. Il avait l’intime conviction qu’un jour les Marocains seraient indépendants et qu'il fallait les aider, les accompagner, leur donner une conscience nationale, une unité et construire ensemble une communauté de destin. Malheureusement, il s’est heurté aux bureaucrates tatillons qui gouvernaient depuis Paris et qui étaient loin du terrain.
Et combien Lyautey a manqué à l’état-major français en 1914. Sa clairvoyance et son énergie auraient peut-être évité les boucheries du début de la guerre. Les chefs de l’époque envoyaient des troupes à une mort certaine à l’appui de théories de combats dépassées (charges aux sabres et baïonnettes face à l’artillerie allemande bien organisée. Destruction des troupes d'élite et de la division coloniale dès les premiers jours de guerre de 1914…).
Ce grand conquérant et bâtisseur, que fut Lyautey, est complètement oublié aujourd'hui pour à mon sens deux raisons majeures : Son nom reste associé à l’aventure coloniale de la France, bien qu’il ait des vues très différentes de l’esprit colonial commun. Deuxièmement c’était un monarchiste, un anti-républicain, un clérical… (pourtant il fut nommé ministre de la guerre par Briand, un socialiste).
Lyautey avait un rêve, le même qu’avait fait Alexandre le Grand : il a aimé les populations conquises et souhaité les unir dans un même et seul Empire allant du Nord de la France au sud du Maroc et bien plus encore avec des habitants ayant les mêmes droits et avantages. Il avait l’étoffe, il portait en lui des ressources insoupçonnées. Mais il faut se rendre à l’évidence : le monde n’en avait pas l’emploi.