Procédure d'évacuation immédiate des musées fantômes
de Serge Brussolo

critiqué par Kalie, le 22 décembre 2012
(Sarthe - 54 ans)


La note:  étoiles
Un roman pléthorique
Le lecteur est en terrain connu avec ce livre qui reprend certaines idées démentielles esquissées précédemment chez l’auteur. On peut considérer ce roman comme un « best of ». Car un Brussolo publié dans la prestigieuse collection « Présence du futur » chez Denoël, c’est plus de pages donc plus de folie et de démesure qu’au Fleuve noir. L’auteur a divisé son roman en deux parties : l’une se déroulant à la surface de la Terre et l’autre dans l’Abri.

La première partie décrit un Paris vitrifié et abandonné suite à un conflit nucléaire. Pour faire face à la pénurie énergétique, des savants ont imaginé de convertir l’âme des morts en électricité. On suit Georges un médium-dépanneur doué pour guérir les téléviseurs et autres réfrigérateurs avec ses mains. Il doit éviter de croiser les prêtres intégristes et les anciens dépanneurs d’électroménager au chômage devenus des vandales qui combattent l’énergie impie en massacrant les utilisateurs. Des capteurs d’énergie quadrillent la ville. Ils enregistrent les émanations énergétiques libérées par les accidents. L’aura des objets détruits et l’esprit des êtres humains morts sont stockés dans des cassettes d’énergie qui équipent tous les appartements encore habités. Mais, il n’y pas assez d’accidents, pas assez de morts donc pas assez d’énergie. C’est là qu’interviennent les DESTROYERS comme Sarah, la fille de Georges. Leur mission est de piéger les appartements en l’absence des occupants pour provoquer des accidents mortels. Cependant, ils doivent faire face à la résistance des objets qui défendent les lieux en envoyant des mauvaises vibrations poussant certains DESTROYERS au suicide. Toutes les idées sont bonnes pour produire plus d’énergie. Le musée du Louvre possède des œuvres d’art au potentiel énergétique considérable. Déchirer « La Joconde » devant des capteurs permettrait d’éclairer Paris pendant plusieurs années. Fracasser « La Victoire de Samothrace » ou « La Vénus de Milo » produirait autant de mégawatts qu’une centrale atomique…

Dans la deuxième partie Georges et Sarah échouent dans l’Abri. Les services de l’In-migration encouragent les habitants à s’enterrer pour leur sécurité. Près de 40000 personnes ont rejoint ce « Paradis » pour… 10000 places ! L’escalier d’accès particulièrement vicieux de l’Abri, la « plaine de transit » avec ses candidats entassés dans l’attente de places libres dans la zone d’habitation, ses tribus (certains fuyant la promiscuité vivent sur des échasses ou suspendus au plafond comme des chauves-souris, des chasseurs régulent la population…) dépassent l’entendement. Mais, l’âme des morts véhiculée par l’électricité dans la zone d’habitation prend possession des heureux élus. La mémoire des défunts en tant qu’humain puis objet transforme les possédés en fous se prenant pour des cafetières et autres machines à coudre voire des œuvres d’art… On retrouve ici les obsessions favorites de l’auteur : claustrophobie, enfermement, aliénation, dégénérescence, etc.

Les idées « hénaurmes » plus ou moins utiles au déroulement du récit, parfois hors-sujets mais toujours étonnantes se succèdent (les tortues grenades, les patineurs-vitriers, les boules de cristal fabriquées par des huîtres géantes, etc.). Certains détails à priori anodins prennent une proportion considérable sous la plume de l’auteur qui disserte (avec talent) sur plusieurs pages… au risque de s’éparpiller. A vouloir trop en faire, il n’évite pas certaines redondances et un léger manque de cohésion. Rien de grave cependant. Il y a là matière à une demi-douzaine de romans.