Tête baissée
de Michael Frayn

critiqué par Féline, le 9 janvier 2003
(Binche - 46 ans)


La note:  étoiles
Devenir escroc ne s'improvise pas
Martin et Kate, deux universitaires, décident de quitter Londres et de se retirer dans leur maison de campagne avec leur nouveau né pour une durée de trois mois. Le but de cette retraite consiste pour Martin à enfin terminer son livre sur l'impact du nominalisme sur la peinture des Pays-Bas au quinzième siècle, loin de toutes distractions susceptibles de le détourner une fois de plus de son ambitieux projet.

Hélas pour Kate, à peine arrivé, le voisin, un riche propriétaire, les attend. Il les invite pour un souper à la bonne franquette qui constituera le départ d'une suite d'aventures rocambolesques. En effet, l'invitation, loin d'être gratuite, a pour but de demander l'avis des deux experts sur un tableau de famille dont leur hôte souhaite se débarrasser, sans passer par la filière légale. Si la peinture en question représente peu d'intérêt aux yeux de Martin, il en va tout autre d'un tableau, qu'il croit être un Bruegel, ignoré du monde artistique.

Le jeune universitaire tentera, à partir de cette découverte, de s'approprier le chef d'oeuvre présumé par tous les moyens sans avouer à quiconque ses sombres desseins. Non pour s'enrichir mais pour la gloire de dévoiler une oeuvre inconnue au grand public et de la remettre à un musée britannique. S'ensuivra une série de quiproquos au cours desquelles il risquera de perdre femme et enfant, où la voisine s'entichera de lui et surtout où l'on verra que l'escroc n'est pas toujours celui qu'on croit.

Comment font ces anglais pour faire de telles satires de leur pays dans des romans prenants sur un rythme endiablé. Ce livre se lit d'une traite et garde le suspense magistral jusqu'au dénouement inattendu. Tout au long des pages, une question hante le lecteur : cette peinture est-elle de Bruegel ou non? Le narrateur s'enfonce-t-il dans des situations impossibles pour une cause qui en vaut la peine ou va-t-il se ridiculiser?


Pleins de rebondissements époustouflants, ce roman est non seulement divertissant mais c'est aussi un roman instructif. Le lecteur suit les recherches de Martin et plonge dans le monde de l'histoire de l'art. Ce qui permet de découvrir la vie de Bruegel mais aussi de se remettre en mémoire bon nombre d'événements de l'histoire des Pays-Bas du seizième siècle. certains trouveront sans doute l'analyse du tableau et la recherche artistique parfois longue, mais, à mon humble avis, elle est utile et personnellement j'ai été passionnée.

Michael Frayn rejoint donc le cercle de mes écrivains anglais favoris, même si il est surtout connu pour ses pièces de théâtre. "Copenhague" et "Alarmes etc" ont, notamment, été jouées au Théâtre du Rideau à Bruxelles
Le plaisir de la lecture 10 étoiles

TETE BAISSEE DE MICHAEL FRAYN Ou le plaisir de la lecture
« Virtuosité », c’est le mot qui vient à l'esprit à la lecture de ce roman. L’auteur est un virtuose ! Et d’abord un virtuose de l'écriture. Spirituel, fin, humoriste, son style est drôle du début à la fin.
Et puis l’histoire du livre : l’auteur nous raconte une histoire qui d'abord, paraît anodine. C’est l’histoire d'une vente d'œuvres d’art. Mais très vite une fine et profonde observation des personnages et des situations nous a plongé en plein roman psychologique. Et puis, sur un coup de téléphone, nous voilà plongé dans l'angoisse d’un roman policier.
Mais, à peine a-t-on repris son souffle, que nous voilà en plein Pays-Bas espagnol au « Siècle de Malheur ». Nous lisons un grand roman d’Histoire. Mais …nous sommes toujours dans un roman d'action : nous recherchons dans les peintures d’un grand artiste flamand, les indices qui pourraient le conduire à l'échafaud ! Ce grand peintre, célébrissime déjà de son vivant, s'est opposé au Régime de Philippe II et à l’abominable duc d'Albe. Nous étudions ses tableaux… Nous sommes dans un traité sur l’Art des Primitifs Flamands.
Alors, entre deux visites chez les marchands de Londres (des visites à ne pas manquer, elles valent leurs cinq étoiles.), voilà qu'on tombe dans la romance. C'est une grande histoire d'amour, qui vire à l'eau de rose, jusqu’à ce que un mauvais coup de fusil la bascule dans la tragédie…
Et pourtant le cottage est si paisible dans sa campagne anglaise, avec ses flaques d’eau, ses faisans, ses chiens. Paisible ? Attention ! Il y a les voisins, charmants, trop charmants, plutôt inquiétants ! Il y a les coups de feu et puis aussi les coups du sort… Non décidément, rien n’est paisible dans ce roman !.
Et tout ça nous est conté tête baissée par un romancier surdoué, qui manie l’humour avec le plus grand sérieux et raconte une histoire sensationnelle avec le plus grand brio.
Comme quoi, il est possible d'être drôle sans être vulgaire, de parler d’amour sans être grivois, de disserter sur l’Art et l'Histoire sans être ennuyeux, il est possible d’être à la fois sérieux et amusant. « Il suffit » d'avoir du talent, de l'esprit, de l’humour. (pour l’humour il est recommandé d'être British).
Un livre sérieux, mais un vrai livre de vacances. Quand il pleuvra, nous irons au musée des Beaux-Arts pour en savoir plus.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 10 août 2003


Plongée dans le monde de Breughel... 10 étoiles

Sur les conseils de Féline et de Saule, je me suis donc plongée dans ce livre passionnant.
Je ne vais pas ici redire ce qui a déjà été si bien dit, seulement passer le flambeau de l'enthousiasme à un autre lecteur peut-être... Munissez-vous d'un bon livre de reproductions des oeuvres du peintre, et délectez-vous! Et si quelqu'un peut me conseiller d'autres livres du même genre, je n'attends que vos suggestions!

Isaluna - Bruxelles - 68 ans - 3 mai 2003


Roman humoristique et thriller culturel 9 étoiles

Un nobliau anglais fauché qui veut sauver son domaine en vendant de vieilles toiles de famille, invite Martin et Kate, couple d'intellectuels londoniens qui se reposent dans le cottage voisin, à souper. Son but est de bénéficier d'une estimation gratuite d'une oeuvre de Giordano, qui représente l'enlèvement de Hélène. Mais Martin tombe en arrêt sur une autre peinture, que leurs hôtes utilisent pour boucher une cheminée; il est persuadé d'avoir découvert un Bruegel disparu.
Le Bruegel et la stratégie qu'il met en place pour se l'approprier deviennent une obsession pour Martin. Avant tout il doit convaincre sa femme que ce tableau, brièvement aperçu, est bien un Bruegel; il se lance dans une recherche approfondie sur la peinture du 16ème siècle, époque d'oppression espagnole et d'inquisition aux Pays-Bas.
Mais tout n'ira pas comme il l'espérait: ses nombreuses visites aux voisins, sous des prétextes divers et dans l'espoir de revoir 'son' Bruegel, sont mal interprétées par la voisine. Cela donne lieu à une scène jubilatoire, celle où notre intellectuel, attiré dans la chambre de la voisine, essaye d'analyser le Bruegel par dessus l'épaule de la jeune femme, tout en résistant, de plus en plus mollement, à ses assauts.
Ce livre fera le bonheur des amateurs d'humour anglais. Comme le dit Féline il pourra lasser certains par les longues descriptions artistiques, mais quant à moi il m'a passionné. Et le plaisir n'est que plus grand si on se procure un ouvrage sur Bruegel, afin de se faire une idée sur les nombreuses descriptions de ses oeuvres: pour ma part j'avais acheté en grande surface et pour un prix modique le fascicule sur Bruegel dans la collection Taschen ('Tout l'œuvre peint de Bruegel'), qui est assez complet et bien illustré.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 25 janvier 2003