Le seul défaut de la neige
de François Barcelo

critiqué par Libris québécis, le 12 décembre 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Au royaume du Bonhomme Hiver
Au royaume du Bonhomme Hiver, on n’entend pas de clochettes mais le vrombissement des souffleuses (déneigeuses à fraise). Yannick est l’unique déneigeur (préposé à l’enlèvement de la neige) d’une municipalité sise le long de la route 132. Orphelin de 22 ans, il ne demande pas grand-chose à la vie, sauf d’être aimé de sa mère adoptive, voire de lui rendre son affection en partageant son lit en l’absence de son mari. Ce n’est pas un dégénéré. Il aime éperdument cette « tante », qui a vu à son éducation à la mort en couche de sa mère.

À l’approche éminente d’une tempête de neige, la dite tante le tient occupé. Surprise au lit par son mari avec le distributeur de Publi-sacs (feuillets publicitaires distribués de porte en porte), il lui a fallu passer de l’amour à la mort. Double meurtre, dont elle confie à Yannick le soin d’éliminer les gênantes preuves. Le comment ne pose pas d’embûches. Facile ! Il jette les cadavres dans sa déneigeuse munie aussi d’une pelle pour excaver afin d’aller les enterrer dans un terrain vague de la municipalité. Ni vu ni connu ! Son aide le rapprochera ainsi de l’objet de sa convoitise.

C’est ce qu’il croit. Mais les macchabées s’accumulent à un rythme fou comme dans Cadavres, un autre de ses romans noirs dont on a tiré un film. En route, sa générosité est mise à rude épreuve. Dans la pelle, il enfourne les corps d’un cycliste téméraire et d'un ivrogne mort au volant d’une voiture qu’il conduisait sans permis. Les inhumations s’annoncent plus longues que prévues. Aura-t-il le temps de s’acquitter de ses basses œuvres avant la tempête, d’autant plus qu’il doit s’assurer que personne ne voie la teneur de sa cargaison du haut d’un édifice ou d’un viaduc ?

Contrairement à ses autres romans, l’auteur ne dirige pas son cynisme contre un phénomène social en particulier. La trame vise uniquement le divertissement du lecteur en exploitant les activités du déneigement au Québec. D’aucuns jugeront que la mort exige le respect, mais le contexte farfelu veut qu’il faille plutôt en rire que d’en pleurer. Roman tordant qui rappelle l’esprit de Feydeau.