Histoires humanimales
de Jean-Pierre April

critiqué par Libris québécis, le 9 décembre 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'Humanité à l'école du dressage
L’homme comme la femme sont des animaux dominants que l’on a réussi à déposséder en les civilisant. Toute civilisation reposerait sur l’art d’assujettir l’humanité aux intérêts des possédants. En fait, la vie serait une école de dressage. Rien à envier aux mammifères à quatre pattes, qui vivent en toute liberté, hormis les animaux domestiqués et ceux des zoos.

La dépossession est compensée « par des mythes, des religions et des superstitions, sinon par leur version laïque : le sport, les jeux ou les arts ». Juvénal a souligné cette pauvreté existentielle avec son célèbre aphorisme « du pain et des jeux » pour le peuple. Il cherchait alors à provoquer l’empereur romain afin qu’il jette un regard plus empathique sur ses commettants. Et toute violence découlant des conditions humaines, est récupérée à travers la ritualisation « pour conjurer les dieux de la guerre ». Les jeux Olympiques reflètent fort bien cette préoccupation alors que les athlètes, contrairement à la devise « du corps sain dans un esprit sain » mettent en péril leur santé et leur équilibre pour que le bon peuple adore des veaux d’or fragilisés par les substances chimiques qu’on leur impose.

Cette réflexion nourrit chacune des nouvelles du recueil. Elle apparaît particulièrement riche dans la dernière intitulée Les Molosses de Jingzou. L’auteur emmène son lecteur dans la Chine profonde, laquelle a échappé à la révolution de Mao. À travers les Yununs, un peuple primitif, il montre comment s’articule une civilisation vouée à la déshumanisation maquillée par un soi-disant raffinement culturel.

Ce n’est pas pour autant très philosophique. Le recueil s’enracine dans un terreau bien familier, hormis Bali et Jingzou. L’action se déroule principalement dans une circonférence entourant Victoriaville. Derrière le propos et le décor, on sent l’amour de l’auteur pour la nature et sa faune autour de laquelle tournent les nouvelles. Un amour qui se nourrit d’un contact simple avec le caractère sacré de l’environnement.