Beauvoir in love
de Irène Frain

critiqué par Marvic, le 8 décembre 2012
(Normandie - 66 ans)


La note:  étoiles
Pauvre Simone...
Simone de Beauvoir est en Amérique pour une tournée de conférences. Pendant 4 mois, elle va sillonner les états unis. Mais elle arrive torturée par la jalousie; Sartre est amoureux et complètement épris d'une jeune américaine, Dolorès. Il a même organisé sa venue à Paris pendant le séjour américain de Simone.
Alors Simone cherche à rencontrer « La Maudite » avant son départ et obtient de modifier sa « tournée ». De ville en ville, de dîners en conférences, d'alcools aux amphétamines, Simone décide qu'elle écrira Le livre sur les États-Unis et particulièrement, fidèle à ses convictions, sur les dessous de cet Eldorado, les pauvres, les oubliés, les laissez-pour-compte de cette société libérale.
Pour cela, elle veut absolument visiter les bas-fonds de Chicago. C'est presque par hasard mais avec beaucoup d'obstination qu'elle va rencontrer Nelson Algren. Écrivain inconnu, vivant dans un minuscule appartement à la limite du taudis à Wabansia, quartier de Chicago où même la police ne s'aventure pas. Il emmènera cette femme entêtée dans des quartiers et des endroits sinistres, rencontrer des paumés, des drogués; mais il ne pourra pas s'empêcher d'être impressionnée par le cran de cette belle femme. Elle, de son côté, est attirée par cet homme séduisant, charnel, et n'en peut plus, à presque 40 ans, de vivre une vie d'abstinence, dévouée à Sartre mais dans une union devenue platonique.
S'ensuivra une longue relation très compliquée entre deux écrivains différents, séparés par un océan, et surtout par le combat entre les deux faces de la personnalité de cette femme: Simone ou Le Castor; l'amoureuse ou la philosophe.

Irène Frain nous livre dans ce roman, la reconstitution de l'histoire d'amour passionnée et passionnelle entre deux célèbres écrivains, utilisant les lettres de Simone de Beauvoir ou un carnet dont les deux amants s'étaient servi pendant un voyage où ils notaient tour à tour leurs sentiments ou simplement quelques informations, faisant des recoupements avec de nombreuses biographies, retrouvant dans les romans respectifs des chapitres autobiographiques. Mais devant l'abondance de citations, il m'est presque arrivé de douter que tant de choses aient été consignées dans ce petit carnet (de 15,5 sur 10cm et de 40 pages!). Sans compter qu'après avoir romancé l'information, l'auteure la justifie en citant les véritables notes.
Et puis une abondance de détails matériels du quotidien dont je n'ai pas compris l'utilité: les boulettes de pain de Simone, les menus précis pris dans tel ou tel restaurant...
Tout ceci écrit dans un style d'une grande pauvreté (...quand il fait soleil); des phrases à la limite du style télégraphique, un vocabulaire restreint et quelquefois maladroit, quelques envolées lyriques incongrues (...Des tapis aussi épais que les neiges qui couturaient le lac...).
Mais je pense que malgré toutes ces critiques négatives, ce qui m'a le plus gêné, c'est cette intrusion dans la vie de cette illustre femme, ce voyeurisme sans intérêt, ce sentiment de trahison d'apprendre que l'auteure du « Deuxième sexe » était « une pauvre gamine blessée, malheureuse, perdue. »