Le Jardin sablier
de Michèle Plomer

critiqué par Libris québécis, le 6 décembre 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
À l'ombre des dos ronds des dragons
Michèle Plomer savait déjà à neuf ans ce qu'elle voulait devenir. Le Jardin sablier raconte l'histoire de sa vocation, née dans la cour arrière de la maison familiale, où elle s'occupait du potager. Il s'agit d'une douce maladie d'amour qui confère au jardin et au jardinier une seule et même identité.

À l'ombre des dos ronds des dragons que les montagnes des Cantons-de-l'Est représentent, l'auteure s'installe avec son conjoint, dans une maison victorienne délabrée. Elle est déterminée à dominer la terre grâce aux conseils de la voisine de 84 ans et du voisin, qui l'avertit, de son accent italien, que les « chevrolets » (chevreuils) dévastent les potagers en un rien de temps. Mais n’empêche que les produits de la terre finissent par aboutir dans la dépense (garde-manger), joliment endimanchés dans leurs pots à jupette.

Formée de chroniques établies selon les mois de l'année, L'œuvre déborde largement son enclos thématique. Cette activité agreste rapproche les femmes tandis que les citadins établis à la campagne n’ont rien des contadins. Ce sont des urbains aux allures péquenaudes, qui ont souvent détourné la population rurale de sa vocation première. Le volet social débouche finalement sur la philosophie. À travers le jardinage, on décèle les enjeux métaphysiques auxquels on doit faire face. La mort perd de sa cruauté quand on comprend que l'existence trouve sa vraie finalité dans la perpétuité de la vie. Rien ne se perd si l'on a bien su cultiver son jardin intérieur.

Cette œuvre hybride n'est pas qu'une ode à la nature très bien ciselée. Elle atteint l'âme qui s'y repaît en lui révélant le sens de la vie. Le Jardin sablier renoue, trop succinctement cependant, avec l'esprit des ancêtres québécois, les véritables héritiers de la nature. Bref, voilà un bon corollaire à la fable Le Laboureur et ses enfants de Jean de La Fontaine.