Poltava - Le Cavalier de bronze
de Alexandre Pouchkine

critiqué par Montréalaise, le 5 décembre 2012
( - 30 ans)


La note:  étoiles
Les splendeurs et folies du Tsar Pierre Le Grand
Ces deux poèmes d'Alexandre Pouchkine, «Poltava» (1828) et «Le Cavalier de Bronze» (1833), sont deux courts récits en vers qui rendent hommage, d'une manière ou d'une autre, au plus grand souverain russe de l'Histoire, Pierre le Grand, célébré pour son génie politique et une vision de son pays tourné vers l'avenir. Cela est d'autant plus paradoxal de la part d'un poète surtout connu pour son caractère rebelle contre tout autoritarisme. C'est que les deux poèmes ci-dessus dressent deux portraits différents du tsar aux yeux de leurs principaux protagonistes.

Commençons par le premier.

«Poltava», divisé en trois chants, raconte l'histoire du vieux cosaque Mazeppa qui règne sur une Ukraine vassalisée à la Russie de Pierre, une Ukraine qu'il veut indépendante. Alors que ce personnage rebelle à l'existence turbulente est idéalisé par Lord Byron et Victor Hugo, Pouchkine (nationalisme russe oblige!) lui dresse un portrait moins flatteur, le décrivant comme un charlatan et un pervers septuagénaire ayant séduit Maria, la (trop jeune) fille de son meilleur ami Kotchoubey. Complots politiques et trahisons sanglantes mèneront à l'importante bataille de Poltava qui verra Pierre le Grand écraser la révolte de Mazeppa qui s'enfuit, plongeant lui-même et son pays dans la déchéance et la folie.

Ce qui est original chez Pouchkine, c'est son mélange des genres (poésie et dialogues) mais aussi et surtout, sa description assez paradoxale de Mazeppa le traître qui devient néanmoins le personnage principal du poème avec ses défauts mais aussi des sentiments humains, comme son amour pour Maria. Il semble que Pouchkine, lui-même poète rebelle, ait décidé de lui rendre hommage en quelque sorte.

«Le Cavalier de bronze » dresse un portrait plus sordide des grandeurs du tsar et de la mégalomanie qu'il nourrissait dans la création d'une nouvelle capitale (Saint-Pétersbourg) qu'il fit inonder pour la construire, ayant causé la mort de milliers de personnes. Cette nouvelle fantastique en vers raconte une des nombreuses inondations de l'histoire de la ville dans laquelle Eugène, un jeune fonctionnaire perd sa fiancée. Celui-ci, ne pouvant plus trouver un sens à sa vie, croise par hasard la statue en bronze de Pierre le Grand et le maudit pour tous les malheurs du monde. Mais le Cavalier de Bronze n'a pas dit son dernier mot et Eugène finira par en payer le prix...

Deux visages différents du tsar, deux personnages romantiques dont la révolte contre le grand Souverain incontesté leur sera impossible et puni dans la folie. Deux courts récits en vers magnifiquement bien écrits dans une langue colorée sans être lourde.

Décidément, Pouchkine me surprend de plus en plus et jusqu'à maintenant, ce sont les deux oeuvres que je préfère le plus dans son répertoire!