La mort en été
de Yukio Mishima

critiqué par Saule, le 6 janvier 2003
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
Soleil Meurtrier
Un recueil de dix nouvelles par le génial écrivain dans lesquelles rôdent la mort, l’amour, l'honneur, la perversion, c'est-à-dire les thèmes récurrents d’un Mishima parfois cruel et morbide.

"La souffrance que contemplait Reiko flambait aussi fort que le soleil d’été, entièrement étrangère à la souffrance qui semblait lui déchirer l'âme". Reiko c'est la jeune épouse qui assiste au suicide de son mari dans 'Patriotisme', la nouvelle centrale du recueil, une nouvelle d'une intensité dramatique incomparable, et je n’exagère pas : on est pris à la gorge et littéralement saisi d’effroi devant le suicide héroïque de ce jeune couple.

Mishima met en scène un jeune lieutenant de l'armée impériale et son épouse fraîchement mariée, qui choisissent librement et d’un commun accord de se donner la mort, pour laver l’honneur de compagnons d’arme. Ayant appris la nouvelle à la radio d’un coup de force, la femme devine déjà seule ce qui les attend et se prépare tranquillement à son destin: rangements, empaquetage de colis,…avant le retour de son mari. Celui-ci annonce à sa femme qu'il lui fait l'infime honneur d’être son témoin ; c’est d’abord le lieutenant qui s’ouvrira les entrailles selon le rituel du seppeku, assisté par sa femme, avant que celle-ci ne soit autorisée à se trancher la gorge.
Viennent les derniers préparatifs (lettres d'adieux, prières) et la dernière étreinte charnelle d’une brûlante intensité. Ensuite Mishima décrit en détail ce qui pour lui représente la beauté ultime; le suicide rituel, la destruction d’un corps jeune et beau, pour l'honneur et par un acte d’une violence et d’un courage inouï. Après s’être ouvert le ventre, malgré la douleur atroce, il faut avoir la lucidité et la force de faire glisser le sabre jusqu'à laisser sortir les entrailles. Accrochez-vous, c’est prenant. Un aperçu ;

"Mais, saisi d'une violente nausée, le lieutenant laissa échapper un cri rauque. Vomir rendait l'affreuse douleur plus affreuse encore, et le ventre qui jusque-là était resté ferme, se souleva brusquement, la blessure s’ouvrit en grand et les intestins jaillirent comme si la blessure vomissait à son tour".

Cela nous glace d’autant plus lorsqu'on sait que Mishima a lui-même effectué le suicide rituel, en public. C'est sa propre mort que l’auteur mettait en scène dans cette nouvelle (notons cependant que Mishima avait l’aide d'un assistant, ce qui est courant, assistant qui tranchait la tête du suicidé pour lui abréger les souffrances).

Les autres nouvelles sont de moindre intensité, et assez inégales. Comme à son habitude Mishima manie avec aisance l'ironie dans les Perles. La mort, l’amour et l'honneur sont présents dans la plupart des autres nouvelles. Notons la parution en Folio (ÔDojoji et autres nouvelles‘, dans la collection 2 euros) des quatre meilleures nouvelles du recueil.
Destination finale 6 étoiles

Une lecture calme, très japonaise de par son style et son rythme. Cela faisait longtemps que je n’avais plus lu une œuvre japonaise et j’ai apprécié ce retour aux sources, cette ambiance, ce style et surtout ce rythme propre aux roman nippons.
Néanmoins j'attendais plus de ce roman, surtout lorsque l'on connaît la renommée de son écrivain. La mort en été est mon premier Mishima et je ne peux pas dire que cette lecture m’ait donné l’envie folle d’en découvrir d’autres mais il y a tout de même un je ne sais quoi qui laisse sous-entendre un fort potentiel, notamment la première nouvelle dont le livre porte le nom.
Cette nouvelle aura laissé une trace à la différence des autres, agréables à lire, mais périssables, leur légèreté n’ayant fait qu’effleurer le lecteur que je suis.

Sundernono - Nice - 41 ans - 30 mars 2022


Patchwork inégal 6 étoiles

Ce recueil de nouvelles est assez hétéroclite. C’est la première d’entre elles qui donne son titre au livre et elle ne reflète pas vraiment les autres. La mort et le temps qui passe sont des thèmes récurrents. Les époques et le ton sont différents et il y a même une mini-pièce de théâtre. Je n’en retiendrai rien de bien marquant.

IF-1014-4295

Isad - - - ans - 8 novembre 2014


Quel sens du détail ! 9 étoiles

La Mort en été constitue un recueil de dix nouvelles, déclinant des thèmes chers à Mishima : l'amour, la mort, la tension entre un Japon traditionnel et la modernité, une ambivalence sexuelle, le mensonge, ou encore la patrie.

Les nouvelles sont diverses : "la mort en été", première nouvelle de ce recueil éponyme illustre la mort accidentelles de jeunes enfants (et de leur tante) et le deuil qui s'en suit. Pour moi, ce n'est pas la meilleure. Mais la suite vaut le détour !

"Patriotisme" a déjà été décrit et constitue assurément une des nouvelles les plus réussies du roman. "La perle" constitue une réussite sur le mensonge et la manipulation.

Je remarque chez Mishima un réel sens du détail qui donne le ton à toute scène. Voyez la nouvelle "Dojoji", axée autour d'un... meuble !

Fa - La Louvière - 49 ans - 14 août 2012


Un style qui ne manque pas de caractère 9 étoiles

Cette dizaine de nouvelles d'environ trente pages chacune nous fait découvrir peu à peu l'image d'un Japon traditionnel qui se laisse toutefois gagner par le type de vie occidentale en ce XXème siècle.
C'est un thème récurrent que Mishima fera revenir dans plusieurs de ses oeuvres sous un jour plutôt négatif.
La nouvelle intitulée "Patriote" qui, comme l'a fort bien résumé Saule, met en scène le propre suicide de Mishima et se déroule dans le cadre traditionnel japonais: femme soumise à l'homme jusque dans la mort, confort douillet de l'intérieur, rasage et lavage du corps pour offrir un beau spectacle après la mort etc... Seulement voilà: tout ce décor serein est le théâtre d'un dilemme effroyable, d'un choix que seule la mort peut résoudre, et à la chaleur du foyer et l'érotisme de la dernière étreinte succéderont les douleurs du seppuku sanglant.
On peut penser que Mishima fut confronté au même choix quand, après son coup d'état manqué, il s'ouvrit le ventre: une vision de sa propre nation en tel désaccord avec la réalité a pu l'entraîner au suicide.

Eniotna - Savenay - 37 ans - 19 septembre 2004