En solo dans l'appareil d'Etat
de François Tétreau

critiqué par Libris québécis, le 6 janvier 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Etats-Unis vus par une espionne chinoise
François Tétreau est un traducteur et un critique d'art qui a un oeil exercé pour saisir les nuances d'une oeuvre. A l'occasion, il applique son talent à la fiction, qu'il dilue en lui donnant une allure pamphlétaire. En solo dans l'appareil d'état n'échappe pas à cette emprise du critique sur le romancier. N'empêche que ça fait plaisir de voir David s'abattre à bras raccourcis sur le Goliath américain.
C'est un roman assez juste sur les états-Unis. Tétreau passe en revue toute la vie américaine en commençant par la cueillette des ordures jusqu'à l'administration de la Justice. L'auteur a bien saisi ce qui fait que quelqu'un est un Américain, cet être craintif qui souhaite que tous les pouvoirs servent ses intérêts.
Pour sa démonstration, il se sert d'un groupe rock chinois qui débarque aux états-Unis pour une tournée de concerts. L'antithèse est bien choisie. Du rock chinois! En a-t-on déjà entendu? Le débat commence de la plus belle façon alors que ces artistes sont médusés à leur arrivée par la cueillette des ordures. Il ne faut pas s'attendre à un roman qui porte sur la musique. Rapidement le groupe chinois devra retourner dans son pays alors que la guitariste du groupe demande asile politique en plein spectacle.
Ce n'est qu'un subterfuge pour laisser le champ libre à cet agent secret qui doit espionner un consul chinois soupçonné de vouloir poser le même geste. Tout en luttant contre l'appareil d'Etat pour obtenir son visa, elle porte un jugement moral sur les états-Unis, qu'elle communique à son supérieur par courrier électronique. C'est la voie qu'emprunte l'auteur avec assez d'habileté pour ne pas réduire son écriture à la sécheresse qui caractérise les messages envoyés via internet.
J'aurais aimé que l'auteur développe davantage l'aspect romanesque de cette fiction. Il en avait l'occasion avec le journaliste entiché de la jeune espionne. Il reste qu'il donne un son de cloche assez juste d'une société intolérante à cause de son ignorance d'autrui. Il faut préciser qu'il a eu la sagesse de choisir une héroïne chinoise pour brosser le tableau de l'homo americansis contrairement à Houellebecq qui a choisi un compatriote pour présenter l'homo occidentalis, à qui personne ne veut s'identifier. Et pourtant...