Passion noire
de Susan Howatch

critiqué par Ellane92, le 23 novembre 2012
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
L'escalade du désastre
Graham Carter a tout pour être heureuse. Habitant au 35ème étage d'un immeuble du Barbican, quartier de Londres, elle exerce un métier prenant dans un cabinet d'avocats d'affaires réputés et gagne suffisamment d’argent pour rouler en Porsche. Sa vie est totalement planifiée, et côté personnel, tout va pour le mieux également. Dès qu’elle et Kim seront mariés, elle pourra avoir les deux enfants qu'elle s'est promis d'avoir avant ses 35 ans. Oui mais voilà, Kim, la cinquantaine, avec son poste à responsabilité et gagnant bien sa vie comme elle, est en instance de divorce. Et au dernier moment, Sophie, sa presque ex-femme, décide de compliquer la procédure de divorce et surtout met tout en œuvre pour parler à Carter. Bien que Carter raccroche aux coups de fils incessants et déchire les lettres que Sophie lui envoie, elle ne peut empêcher la scène quand elles se retrouvent face à face au supermarché dans lequel l'a suivie Sophie. Là où les choses commencent à se déliter, c'est lorsque Sophie ne lui apparait pas comme une femme revancharde car abandonnée par son mari, mais semble plutôt vouloir l'informer, la protéger. Des mots comme "occultes" émaillent son discours dans lequel elle indique à Carter qu’elle ne connait pas vraiment Kim, et elle lui propose de se renseigner au sujet d’une certaine Mme Mayfield. C'est alors que des choses commencent à dérailler également dans l'appartement que Carter et Kim partagent : des tableaux tombent des murs, des poubelles sont renversées. Et lorsque Kim confirme qu'il connait bien une Mme Mayfield, Carter se demande ce qu'il a bien pu lui cacher et quelle importance cela peut avoir. C'est ainsi que commence l'escalade du désastre.

Passion noire est le deuxième livre de Susan Howatch à s’inscrire dans le cadre du ministère de la guérison de Saint Benet by the wall, après le Pardon et la Grâce. Il n'est absolument pas nécessaire d'avoir lu le premier tome pour suivre le second, mais j'ai retrouvé avec plaisir les personnages charismatiques qui m'avaient tant plu dans le premier opus. Ceci dit, ce volume est celui de Carter, et c'est elle qui nous raconte son histoire à la première personne du singulier.
Ce qui est intéressant avec Susan Howatch, c'est qu'elle montre comment une fragilité, une blessure, un manque non reconnu et non assumé peut éclater en cas de difficulté. Ses romans portent également sur la nécessité de ne pas ignorer un aspect de son âme et illustre ce qui se passe quand c'est le cas. Elle insiste sur l'importance de la spiritualité avec nos vies d'aujourd'hui, et défend la notion d'un dieu d'amour, guérisseur, toujours du côté de ceux qui souffre, prévalant sur l’idée d’un Dieu de justice. Explicitement, elle explique comment se complètent idéalement médecine, psychologie et religion, représentées dans ses œuvres par des personnages différents agissant ensemble. D'ailleurs, chez Howatch, psychologie et "théologie" sont souvent utilisées de façon à décrire un même évènement en utilisant un vocabulaire et des concepts différents, les deux domaines servant finalement et indifféremment à décrire une même réalité. Ce faisant, elle nous fait part des grandes vagues qui secouent l'évolution de l'église anglicane dans les années 80 : l'ordination des femmes ou des homosexuels, le positionnement de l’église concernant l'homosexualité, et plus récemment, l'ordination de femmes évêques, mais aussi les différences existants entre les courants de cette Eglise qui représente 77 millions de fidèles mené par l'archevêque de Canterbury (moins dans ce tome que dans le précédent).
Divisé en 6 parties elles-mêmes composées de chapitres courts, le livre se lit comme un roman policier, mélangeant allègrement l'histoire de Carter et le point de vue et des autres sur un aspect de l’histoire. C'est drôle, émouvant, instructif ou parfois effrayant, et toutes ces émotions émanent de la capacité de l’auteure à décrire simplement et clairement des concepts pas si faciles que ça à appréhender. J'aime beaucoup !
Je déplore le choix du titre français, qui, outre de n’avoir pas beaucoup de rapports avec le contenu de l’ouvrage, engage à imaginer qu’il s’agit d’un mauvais roman de lecture sentimentale. Vive le titre originel : The high flyer.