Mad in USA : Les ravages du modèle américain
de Michel Desmurget

critiqué par Elya, le 13 janvier 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Conséquences sanitaires et sociales d'une politique libéraliste
Michel Desmurget confirme avec Mad in U.S.A sa place dans mon top 3 personnel des plus pertinents et passionnants essayistes mondiaux. Non seulement pour la qualité et la nécessité des thèmes qu’il aborde (l’impact sanitaire et social d’une activité prenant énormément de temps du quotidien d’un français avec TV Lobotomie, et ici ce l’impact d’une politique libérale) mais aussi par la forme que ses essais prennent : vocabulaire pointilleux, ton engagé, combat des dogmes, critique des médias de masse, références systématiques après chaque fait énoncé…

Les éditions Max Milo, collection l’Inconnu, semblent bien se prêter à cette démarche : proposer aux lecteurs des essais d’une qualité dépassant de loin celle des essais plus populaires, pas forcément plus accessibles (voir Homo Economicus de Daniel Cohen), mais plus consensuels, lissant l’esprit de ceux qui blâment notre pays, « en retard », « en déclin », de ceux qui s’hérissent contre « l’archaïsme de nos valeurs ».

Les U.S.A, vous en aurez la preuve en refermant ce livre, sont une « chimère médiatique dépourvue de substance ». Et les images qu’évoquent ces mots ne sont pas trop forts. M Desmurget se plait à citer JF Kennedy « le grand ennemi de la vérité n’est souvent pas le mensonge –délibéré, manufacturé et malhonnête -, mais le mythe –persistant, persuasif et irréaliste ». Comment ne pas adhérer ? Les quelques centaines de pages de ce bouquin, dévorées en quelque heures grâce la fluidité de son style, illustrent parfaitement cette phrase.

Michel Desmurget ne prend pas de pincettes (et on le remercie) pour analyser avec rigueur les conséquences depuis 30 ans de la politique libérale de Reagan. Particulièrement, l’écart toujours plus grand de revenu, d’accès aux services et de qualité de vie entre les plus riches et les plus pauvres de la nation. De nombreux indicateurs permettent de l’estimer et sont expliqués avec clarté.

Ce livre privilégie plutôt le constat d’une société inégalitaire, aveugle et barbare par certains aspects, plutôt que l’explication des causes de ce constat. On devine bien que Desmurget l’attribue au système libéral (et en apporte certaines preuves), mais on est en droit de se questionner aussi sur l’influence de l’environnement, de l’histoire du pays… Tous les systèmes importants d’une société seront passés au crible : éducation, justice, emploi. Aux Etats-Unis, on applique à ces derniers les règles du marché : privatisation, concurrence, réduction des coûts...

Une des caractéristiques de l’argumentation de Desmurget se retrouvait déjà dans TV Lobotomie ; il s’agit de partir des idées préconçues (fortement forgées par la presse et la télé) sur un sujet particulier (par exemple, la qualité du système de santé des Etats-Unis, le « meilleur au monde ») et de les détruire d’une manière exemplaire (le système de santé des Etats-Unis se classe 37ème en terme de qualité, entre le Costa Rica et la Slovénie ; concernant son équité, il est 54ème, après le Bangladesh). Bien sur, M Desmurget n’utilise pas que des chiffres, mais aussi des témoignages, qui n’ont certes aucune valeur de généralisation mais qui permettent peut-être de rendre une explication plus claire et plus marquante.

Parlons du chômage, qui, parait-il, est extrêmement bas comparativement à ceux d’autres pays. Oui mais, car il y a souvent un mais avec Desmurget, si l’on inclus les gens emprisonnés dans les chômeurs, alors le chiffre devient nettement moins séduisant, quand on sait que le taux d’emprisonnement des Etats-Unis est extrêmement élevé comparativement aux autres pays. Certains états subventionnent d’ailleurs plus le système carcéral que le système universitaire. Vous trouverez bien sur les références (pas qu’une !) de toutes ces allégations en lisant Mad in U.S.A.


Je peux vous garantir que Michel Desmurget saura changer le regard que vous portez sur les Etats-Unis, quel qu’il soit. Il nous informe de choses vraiment révoltantes, dont les médias font écho à titre anecdotique ; cela marque sur le coup, mais n’est pas ancré dans notre esprit à long terme, ce qui fait que nous gardons une image tronquée de ce pays qui résonne en nous comme LA grande puissance mondiale.

Il est urgent je crois de s’informer plutôt sur les politiques des pays d’Europe du Nord (Finlande, Suède…) qui, eux, semblent réellement modernes, comme l’esquisse ici Michel Desmurget. Encore plus urgent : lire et recommander les essais de Michel Desmurget.