Tout ça pour quoi
de Lionel Shriver

critiqué par Elya, le 11 novembre 2012
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Consumérisme occidental
Il ne s'agit pas du tout du premier livre traduit de Lionel Shriver, écrivain américaine dont je ne connaissais alors même pas le nom. Exposé sur le rayon "Nouveautés" de ma bibliothèque (il a été traduit en 2012), j'ai été happée par les premières pages, mêlant ironie, humour, et thèmes sociétaux très contemporains et très occidentaux. Je me suis dit que malgré les 520 pages, ce pavé serait vite lu ; écriture fluide, schéma narratif très basique, critiques faciles.

Pas de la grande littérature, certes. Lionel Shriver se rapproche plus de Katherine Pancol que de Joyce Carol Oates : l'histoire plus ou moins crédible perd au fil des chapitres de plus en plus de véracité jusqu'à devenir complètement chimérique ; les critiques faciles de notre société à tous ses stades sociaux abondent et ne choquent personne, car tout le monde en prend pour son grade, avec le sourire. Les assistés pour qui même le système de santé américain paie beaucoup, la classe moyenne qui trime pour pas grand chose, les riches qui du jour au lendemain peuvent tout perdre, et qui ne se rendent pas compte que la qualité de vie n'est pas corrélée avec les grosses sommes enregistrées sur leur compte en banque, qui, en cas de coup dur, peut vite partir en éclat.
Mais ce sont aussi nos relations stéréotypées avec les maladies (d'autant plus si elles sont incurables) qui sont décriées : la pseudo-compassion, l'apitoiement sur soi-même plutôt que sur ceux qui souffrent vraiment, les réactions toujours égoïstes et inappropriées, la volonté de bien faire qui entretient juste son propre égo...

Quelles sont les valeurs que l'on accorde à la vie, à l'amour, à la santé ? Les réalise-t-on vraiment que quand tout va mal ? Lionel Shriver, par l'intermédiaire de personnages hétéroclites, pose des questions percutantes. Peu importe les réponses qu'elle apporte ; chacun picorera ce qu'il voudra de ce livre adressé à un ample lectorat.
Roman débordant d’humour caustique sur la vie, la maladie, la mort 10 étoiles

Ce livre est à mettre en toutes les mains : celles des soignants que leur métier pousse à préserver la vie à tout prix, celles des malades qui se laissent manipuler et font de leur corps les champions de la recherche médicale, celles des proches qui ont peur et se font rares, partagent le déni et le combat ou trouvent que le temps du sacrifice devient long, mais aussi celles de tous les autres qui n’ont pas (encore) été confrontés à cet entre-deux moderne.

Le système de santé et la bureaucratie de l’État sont pourfendus à de nombreuses reprises avec les prélèvements obligatoires et l’assistanat alors que les classes moyennes ne bénéficient que peu du système, ponctionnées par les avocats lorsqu’elles tentent de se défendre. Le travail manuel soigné à travers les professions des principaux personnages est valorisé. Les critiques sur les artistes incompris qui profitent de la largesse de la société ou des proches mieux lotis financièrement et qui considèrent cela comme un dû sont savoureuses.

Quelques passages sur l’intégration des personnes handicapées vont aussi à rebrousse poil de la bien-pensance actuelle.

Tout cela, c’est le côté sérieux du roman. Il y a aussi de bonnes descriptions sur la vie de couple et sa lassitude, sur les non-dits et les incompréhensions réciproques entre proches, le comportement des adolescents et de la famille pique-assiette.

La fin est un pied de nez génial, un hymne à la liberté, à la vie simple et concrète.

L’histoire est celle de 2 hommes bricoleurs sans diplôme dont l’un, Shep, a monté une société dans le second œuvre qu’il a ensuite vendue avec profit. Il ne devait ensuite rester salarié que quelques mois qui se sont prolongées en longues années. Ce créateur de fontaines ludiques et improbables poursuit le rêve d’aller vivre ailleurs, dans un pays où la vie courante ne coûte que peu de chose. Mais sa femme Glynis qui a fait les Beaux-arts et travaillait le métal et se contente d’être mère au foyer, trouve toujours à redire aux sites qu’ils visitent. Ce jour là, il lui annonce qu’il a pris des billets simples pour eux et leur fils adolescent de 16 ans, pour une île d’Afrique près de Zanzibar. C’est alors qu’elle lui annonce qu’elle est atteinte d’un cancer causé par l’amiante et elle l’accuse d’en avoir été le vecteur. Il jette alors son rêve avec les billets et l’accompagne chez le médecin. Il découvrira alors les arcanes des services de santé et des assurances que son ami Jackson connait déjà puisqu’il a une fille atteinte d’une maladie rare.

IF-1212-3994

Isad - - - ans - 1 janvier 2013