Le bachelier
de Jules Vallès

critiqué par Jfp, le 10 novembre 2012
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
indigné !
Oui, les indignés existaient déjà au dix-neuvième siècle, Jules Vallès en était ! Dans ce second volume de sa "Trilogie" ("L'enfant", "Le bachelier", "L'insurgé") il nous conte les déboires de sa jeunesse parisienne. Fraîchement débarqué de sa province natale au lendemain de la révolution de 1848, Jacques Vingtras (le prête-nom de l'auteur), républicain farouchement jusqu'auboutiste, va connaître la faim, le froid, le manque de travail malgré des efforts incessants pour trouver un emploi correspondant à sa condition de bachelier. Peu désireux de compromettre ses idées révolutionnaires, il va devoir se contenter de la maigre pension allouée par ses parents. Trois ans plus tard, la venue du Second-Empire, avec sa police secrète et ses délateurs appointés, ne va rien arranger, et notre héros va manger de la vache enragée... jusqu'à l'os ! Au-delà de l'histoire de ce jeune intellectuel, qui préfère vivre misérablement pour rester sincère avec lui-même, un cas toujours actuel, l'écriture de Jules Vallès mérite que l'on voie dans ce roman autre chose qu'un manifeste appelant à l'insurrection. Par son langage proche du français parlé de l'époque, ses phrases courtes truffées d'onomatopées, de points d'exclamation et autres artifices narratifs destinés à "mettre du sentiment" dans la phrase, le rédacteur du célèbre "Cri du peuple" maintient constamment l'intérêt du lecteur, avec lequel il semble (ou plutôt voudrait) dialoguer. Le jaillissement de l'écriture rappelle étrangement les réussites littéraires d'un Louis-Ferdinand Céline (celui du "Voyage au bout de la nuit et de "Mort à crédit") ou, plus proche encore, d'un Philippe Djian. Moderne, Jules Vallès? Oui, très certainement, et toujours d'actualité en ces temps propices à l'indignation...