Histoires de fantômes
de Roald Dahl

critiqué par Pierrequiroule, le 10 novembre 2012
(Paris - 43 ans)


La note:  étoiles
749 fantômes plus tard...
Rares sont les livres de notre enfance que l’on relit avec un égal bonheur à l’âge adulte. Le recueil dont je vais vous parler est de ceux-là ! Et pour cause : en 1958, Roald Dahl a dû absorber 749 récits de fantômes avant de mettre la main sur ces 10 « bonnes histoires ». Il faut dire que le seul nom de Roald Dahl est gage de qualité. D’origine norvégienne, cet écrivain britannique a écrit beaucoup de nouvelles décalées et pleines d’humour noir ; sans oublier ses œuvres destinées à la jeunesse, comme « Charlie et la Chocolaterie », « James et la grosse pêche » ou « Mathilda », devenus de véritables classiques de la littérature enfantine.

Les 10 nouvelles rassmblées ici par Roald Dahl ont été écrites par 8 auteurs du XIXème ou du XXème siècle, britanniques pour la plupart, et ayant tous un goût prononcé pour le surnaturel. 300 pages de pur bonheur !
Seul petit point faible du recueil : il n’apporte aucune information précise sur les auteurs des récits ou sur leurs dates de publication. J’ai donc dû faire quelques recherches par moi-même et autant vous en faire profiter !

- Edward Frederic BENSON (1867-1904) est un auteur britannique et le fils d’un archevêque de Canterbury. Mais l’influence du saint homme n’a pas empêché Benson de s’intéresser à l’occulte. Sa nouvelle « Dans le métro » mêle une réflexion sur le Temps et une sinistre histoire de suicide. Anthony, le narrateur aperçoit dans un wagon, en plein Londres, un homme qui retient son attention avant de disparaître inexplicablement. Le lendemain, lors d’un dîner entre amis, il fait la connaissance de ce même homme qui ne le reconnaît pas et affirme que la veille il se trouvait à la campagne. Est-ce un esprit frappeur, une prémonition, une projection astrale ? C’est ce que vous découvrirez en lisant ce récit un rien philosophique mais tout de même horrible.

- Richard Barham MIDDLETON (1882-1911) est un écrivain britannique auteur de la nouvelle « Sur la route de Brighton ». Dans cette histoire courte, le héros est un vagabond perdu au cœur de l’hiver. On ne sait ni d’où il vient, ni dans quel but il voyage. En chemin, il croise un adolescent errant qui lui tient d’étranges propos. C’est que la route de Brighton est longue et la chute imprévisible.

- Alfred McLelland BURRAGE (1889-1956), auteur britannique, a écrit deux des histoires de cette anthologie.
° « Le balayeur » est la nouvelle qui ouvre le recueil. C’est l’une de celles qui m’ont le plus marquée étant enfant, peut-être en raison de la couverture illustrée. Classique, cette histoire n’en est pas moins effrayante. Jugez-en par vous-mêmes : dans une vaste demeure anglaise, une jeune fille tient compagnie à Miss Ludgate, vieille femme obsédée par sa mort prochaine. Mais pourquoi une dame si avare fait-elle l’aumône à chaque mendiant qui se présente ? Et quel est ce frottement que l’on entend les soirs d’automne dans les allées du parc ? Il se pourrait bien que Miss Ludgate cache un terrible secret, un secret que Tessa Winyard tente d’élucider… à ses dépens.

° « Compagnes de jeu » est une excellente histoire de fantômes, sans doute l’une des meilleures du recueil. L’héroïne est une fillette orpheline, Monica, qui vit avec son tuteur, Mr Everton, un homme studieux et plutôt revêche. Refusant la société de son temps, Everton s’isole dans une vieille demeure, avec pour seule compagnie sa jeune pupille, sa secrétaire et quelques domestiques. Comme elle n'a que ses livres pour s’occuper, Monica sombre dans la mélancolie, … jusqu’au jour où sept écolières lui rendent visite. L’auteur insuffle à ce récit une atmosphère réellement inquiétante et le surnaturel ne s’impose que progressivement à notre esprit. Quant à la fin, elle est particulièrement réussie car elle jette un nouvel éclairage sur la psychologie des personnages.

- Cynthia AQUITH (1887-1960) est une écrivaine britannique, auteure de nouvelles, de romans, de biographies et d’anthologies fantastiques. Elle vous donne rendez-vous dans « La boutique du coin » où un vénérable vieillard accueille les clients à la nuit tombée; et, comme le héros de cette histoire, vous ferez peut-être quelque heureuse trouvaille au milieu du bric-à-brac.

- Leslie Poles HARTLEY (1889-1972), ami de la précédente, est également un écrivain anglais. En 1953, il publie notamment « The Go-between » (« Le messager »), roman adapté au cinéma dans les années 1970.
Son histoire « W.S. » n’évoque pas une hantise comme les autres. Qu’il vous suffise de savoir que le mystérieux W.S. n’est pas un fantôme d’outre-tombe ; il est plutôt issu de l’esprit-même de notre héros. Mais en dire plus serait gâcher le suspense de l’histoire…

- Rosemary TIMPERLEY (1886-1988) est une auteure anglaise très prolifique, connue pour ses histoires surnaturelles.
° Sa nouvelle « Harry » a été adaptée plusieurs fois au cinéma. C’est probablement la plus effrayante de cette anthologie. Je ne sais si vous partagez mon sentiment, mais je trouve que hantises impliquant des enfants sont de loin les plus terrifiantes. Gageons qu’après cette lecture, vous aurez « très peur de choses aussi ordinaires que la lumière du soleil, les ombres sur l’herbe, les roses blanches, les enfants aux cheveux roux et le prénom Harry. Un prénom vraiment très ordinaire. »

° Dans « Rencontre à Noël », on assiste à une aberration temporelle bien connue des amateurs de fantastique. Le soir du réveillon, une femme d’âge mûr médite sur sa vie passée et sur sa solitude. C’est alors qu’un jeune inconnu pénètre dans sa chambre. C’est la chute qui donne tout son intérêt à ce court récit de Noël. Le lecteur est alors confronté à la confusion des points de vue et à la confusion… tout court.

- Ce recueil comporte également deux récits d’auteurs étrangers à la Grande-Bretagne.
° En choisissant une histoire de Jonas LIE (1833-1908), Roald Dahl rend hommage à la patrie de ses parents, la Norvège. Lie est l’un des plus grands écrivains norvégiens du XIXème, à l’égal d’Henrik Ibsen par exemple. Son histoire « Elias et le Draug » nous emporte à Kvalholmen, une île en proie aux tempêtes et aux superstitions. Elias, modeste pêcheur, y vit laborieusement avec sa femme et ses six enfants. Mais cet équilibre domestique est mis en péril le jour où Elias blesse un phoque peu ordinaire. Cette nouvelle, magistralement écrite, s’inspire d’une légende norvégienne. L’atmosphère maritime et le suspense y sont particulièrement prenants. Inoubliable !

° Quant à Francis Marion CRAWFORD (1854-1909), c’est un écrivain américain spécialiste des histoires d’horreur. D’ailleurs, « La couchette du haut » est un véritable chef d’œuvre du genre. Comme la précédente, cette nouvelle se déroule en mer. Le héros, Mr Brisbane, se rappelle d’une traversée particulièrement éprouvante qu’il a effectuée à bord du Kamtchatka, dans la cabine n°105. Pourquoi les membres de l’équipage sont-ils inquiets à la simple évocation de cette cabine ? Brisbane lui-même doit bientôt se rendre à l’évidence : il y a quelque chose de malfaisant en ce lieu. Serait-ce maudit hublot qui refuse de se fermer la nuit, ou bien les relents marins qui imprègnent les murs à en donner la nausée ? La peur suscitée ici est bien différente de celle – toute psychologique- que l’on éprouve en lisant « Harry ». Loin d’être une banale histoire de malédiction, ce récit provoque une horreur physique, digne des meilleurs films gores !

Même s’il ne s’est pas lui-même essayé à la « ghost story », Roald Dahl possède un flair certain pour détecter les histoires les plus terrifiantes. Les auteurs qu’il a choisis vous feront expérimenter toutes les nuances de l’effroi. De quoi terroriser les enfants et faire frémir les plus grands ! C'est grâce à des ouvrages comme celui-ci que je nourris depuis longtemps une passion pour le fantastique. N’hésitez pas devant la couverture « jeunesse » : je peux vous garantir que ces nouvelles sont aussi diablement efficaces sur les adultes ! D'ailleurs, cette anthologie n'est pas à mettre entre les mains des moins de 12 ans. Reste à savoir si vous avez les nerfs suffisamment solides.
ça a beaucoup vieilli 6 étoiles

Je ne reviens pas sur la description du recueil, son contenu et son origine, qui sont très bien exposés dans la critique principale.

Pour ma part, j'ai envie de dire que je n'ai pas grand-chose à reprocher à ce recueil de nouvelles : toutes sont parfaitement écrites, avec une bonne maitrise de la trame narrative, une montée crescendo des éléments angoissants, une chute qui change le rythme de la narration et qui laisse planer le mystère comme attendu dans ce genre littéraire. Mais du coup, je me suis parfois franchement ennuyée : tout est si calibré, maitrisé, classique, la fin des nouvelles est toujours dans le même registre. Il n'y a pas, à mon sens, ou alors si peu, d'éléments de surprise, de merveilleux, qui permettrait de relever un peu ces 300 pages de récits convenus.
En fait, j'ai trouvé que cet ouvrage avait terriblement vieilli. Ou alors, c'est moi !

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 8 février 2013