Poèmes saturniens
de Paul Verlaine

critiqué par Pucksimberg, le 20 octobre 2012
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Musique, peinture et poésie
Ce recueil a été rédigé sous l'égide de Saturne, planète de la Mélancolie, qui torture le poète, tout en étant source d'inspiration. Verlaine, poète symboliste, a entrelacé dans ce recueil de nombreux poèmes aux influences diverses. Il évoque ses tourments, puis rédige un texte satirique, peint un univers onirique pour évoquer ensuite des paysages d'une manière picturale ...
Autant le dire, dès le début, la struture éclatée, donc peu homogène, peut désorienter le lecteur, mais les poèmes sont magnifiques.

"Mon rêve familier", sans doute le plus célèbre poème du recueil, souligne le mal être du poète qui ne trouve que dans son sommeil le repos et la femme idéale, donc un être sans consistance qui n'existe pas. Dans "Femme et chatte", la femme se fait joueuse et plus sensuelle. La violence verlainienne transparaît aussi dans sa relation à l'autre comme dans "Une grande dame":
" Il faut - pas de milieu !- l'adorer à genoux,
Plat, n'ayant d'astre aux cieux que ses lourds cheveux roux,
Ou bien lui cravacher la face, à cette femme !"

Verlaine crée une atmosphère parfois suffocante, parfois onirique, voire purement fantastique comme dans "La Nuit du Walpurgis clasique". Les poèmes de Verlaine se lisent comme on contemplerait un tableau. Tout est visuel, sensations et beauté verbale. Il amuse, séduit, tourmente et choque. Sa poésie est picturale, mais aussi musicale. Les répétitions et les sonorités sont au service du sens et font de ces poèmes une alliance réussie entre les trois arts que sont la poésie, la musique et la peinture.

"Il bacio"

Baiser ! rose trémière au jardin des caresses !
Vif accompagnement sur le clavier des dents
Des doux refrains qu'Amour chante en les cœurs ardents
Avec sa voix d'archange aux langueurs charmeresses !

Sonore et gracieux Baiser, divin Baiser !
Volupté nonpareille, ivresse inénarrable !
Salut ! l'homme, penché sur ta coupe adorable,
S'y grise d'un bonheur qu'il ne sait épuiser.

Comme le vin du Rhin et comme la musique,
Tu consoles et tu berces, et le chagrin
Expire avec la moue en ton pli purpurin...
Qu'un plus grand, Goethe ou Will, te dresse un vers classique.

Moi, je ne puis, chétif trouvère de Paris,
T'offrir que ce bouquet de strophes enfantines :
Sois bénin et, pour prix, sur les lèvres mutines
D'Une que je connais, Baiser, descends, et ris.
Une formidable mélodie 10 étoiles

Les Poèmes saturniens constituent un recueil de poèmes dont la musicalité, la mélodie, la fluidité des mots, la sensibilité, la retranscription des sentiments en un minimum de mots contribuent au basculement immédiat de la lectrice et du lecteur dans le petit monde clos et pourtant si aérien de chaque oeuvre.
Il est à noter qu'en font partie, parmi les poèmes qui marquent l'initiation à la littérature, Nevermore, Mon rêve familier, Chanson d'automne, Monsieur Prudhomme.

C'est un incontournable !

Veneziano - Paris - 46 ans - 22 août 2017