Le retour des caravelles
de António Lobo Antunes

critiqué par Pucksimberg, le 22 octobre 2012
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un maelstrom portugais
Ce roman repose sur le télescopage des heures glorieuses du Portugal qui s'affirmait comme une grande puissance européenne comme l'Espagne et des heures désillusionnées contemporaines où les portugais n'attendent plus grand chose du quotidien. Antonio Lobo Antunes compare la réaction des hommes au retour des caravelles avec cette fascination que l'on peut imaginer pour ces hommes qui ont découvert de nouvelles contrées aux réactions des hommes face à la décolonisation et la perte de l'Angola.

Dans ce roman baroque, l'on croise Vasco de Gama, le roi Manuel, Miro, Cervantès, Manoel de Sousa de Sepulveda, François Xavier, mais certainement pas aux heures où ils sévissaient sur un plan historique ! Ils sont propulsés dans le monde contemporain et découvrent le Portugal d'aujourd'hui sans reconnaître le monde qu'ils avaient laissé. Evidemment, certains anachronismes font sourire. Quand on commence un chapitre en lisant "Lorsque Vasco de Gama arriva en autocar à Vila Franca de Xira, ..." on ne peut qu'imaginer la singularité de ce texte.

Vasco de Gama et le roi Manuel jouent à la belote, discutent et boivent. Diogo Cao aussi boit et perd sa prostituée à Lisebone ( orthographiée ainsi pour rappeler l'ancienne orthographe semble-t-il ). François Xavier devient proxénète ... Les héros d'antan deviennent des hommes ancrés dans la plus sordide banalité. Luis de Camões, auteur des "Lusiades", texte fondateur de la culture portugaise, traverse lui-aussi le roman, lui qui a couché sur papier la gloire du pays trouve son pendant en Antonio Lobo Antunes qui immortalise la Lisbonne contemporaine moins héroïque.

La prose de Lobo Antunes demande la plus grande attention. Rater une phrase peut être un véritable obstacle pour comprendre la suite de l'histoire. De plus, certaines phrases sont très longues et l'on peut passer d'un narrateur à l'autre sans aucune transition. L'absence de guillemets au début des dialogues ne fait qu'ajouter de la complexité à la lecture. Je reconnais que lire ce roman s'avère tout de même fastidieux, ce n'est pas une lecture détente, mais la qualité des images et la force de ses évocations ne peuvent que séduire le lecteur. Pour qui connaît Lisbonne, ce roman recèle un intérêt supplémentaire car l'on parcourt toute la capitale et Lobo Antunes est parvenu à saisir l'atmosphère de cette ville qui est le véritable personnage principal de ce roman.

Un roman difficile par son originalité et par les renvois culturels que l'on ne possède pas forcément ( Histoire du Portugal, personnages célèbres ... ), mais l'écriture témoigne du talent de ce grand écrivain.