Pour en finir avec le cinéma
de Blutch

critiqué par Antihuman, le 19 octobre 2012
(Paris - 41 ans)


La note:  étoiles
Tu rigoleras moins quand tu devras aller au bureau !
Pas la peine de pérorer, ça ressemble à une de ces émissions interminables autrefois produites en RDA, et qui durent 3 H dont des bandes et extraits à peine présentés, bien absurdes afin de bien démoraliser l'ouvrier qui écoute - au cas ou il aurait renoncé à se pendre dans son loft de Hamburg... - puis avec des animateurs qui arrivent inopinément en interviewant, si besoin est, des nains mal-élevés rejetons des officiers-kaporaux du MFS. Je plaisante juste un peu mais dans ce volume, l'absence de toute intrigue construite pourra quand même dérouter l'amateur éclairé même dévot des dingodossiers ou des frustrés de Brétecher: on a le droit à certaines gravures et eaux-fortes, parfois obscènes, puis à une galerie de personnalités suivie de disgressions lunatiques sur d'autres films comme ça sans vaseline ni porto.

Non c'est pas gagné donc; à part peut-être l'épisode sur les primates de la Planète des Singes qui décident soudainement de kidnapper l'alter ego formel de Farah Fawcett, bien sûr l'historique au photomaton de Burt Lancaster, ou alors celui consacré à cet homme en joie. Schild und Schwert der Partei. Comme disait Godard (à moins qu'il ne s'agisse de son ex-doppelganger je ne sais plus) "Viens-là ma grande, je vais te faire reluire..." Pourquoi pas.


Résumé de l'éditeur

Qu est-ce que le cinéma ? Quel effet nous fait-il ? Pourquoi aimons-nous le cinéma ? Autant de questions auxquelles Blutch répond à sa manière profonde, humble et réfléchie, puisant dans sa prodigieuse culture et surtout dans sa très grande science de raconteur de bande dessinée, à travers des fi lms, des personnages ou des acteurs tels Burt Lancaster, Jean Gabin, Michel Piccoli, Luchino Visconti, Claudia Cardinale, Tarzan, Psychose... Autant essai graphique que bande dessinée ultime, rêverie et fantasme sur l autre art de la narration par l'image, Pour en finir avec le cinéma signe l arrivée chez Dargaud d'un maître incontesté de la bande dessinée d'aujourd hui.

Bio de l'auteur

Grand Prix de la ville d'Angoulême en 2009, Christian Hincker, alias Blutch, est né à Strasbourg en 1967. Après des études aux Arts décoratifs de sa ville natale, il remporte un concours organisé par le mensuel Fluide glacial, dans lequel il publie ses premières bandes dessinées en 1988. Son surnom s'inspire de l'un des personnages des Tuniques bleues. Blutch s'affirme très vite comme l'une des personnalités les plus importantes et les plus influentes de la nouvelle génération d'auteurs de bande dessinée, apparue dans les années 1990. Dessinateur doué, il met en scène des univers personnels où se côtoient l'onirisme (Vitesse moderne), la satire grinçante (Blotch) et l'univers de l'enfance (Le Petit Christian), passant de la narration formelle en bande dessinée au récit utilisant le seul dessin, comme dans C'était le bonheur. Pour en finir avec le cinéma est son premier album chez Dargaud.

Revue de presse

Et c'est éblouissant, car Blutch maîtrise le mouvement comme jamais et dessine les femmes, stars ou non, à fleur de peau et de séduction, com­me personne. Dans cette vadrouille-surprise, où le coq-à-l'âne fait merveille, flotte une nostalgie profonde, mais aux vertus toniques rares : mêlant le dérisoire et le fantastique, l'ironie et la déclaration d'amour, Blutch porte à ébullition une cinéphilie fervente et totalement libre de ses mouvements (d'humeur). (Jean-Claude Loiseau - Télérama du 21 septembre 2011 )

Blutch gratte de son trait magnifique les images qui ont imprimé son enfance et recouvre d'ombres nostalgiques des scènes mythiques connues de tous. L'hommage est plein de souffle et d'une rare élégance. (Gilles Médioni - L'Express, octobre 2011 )

Blutch, un des maîtres incontestés de la BD, puise dans sa culture de cinéphile pour répondre à des questions concernant le 7e art. Blutch est le golden boy de la BD française. On aime son trait noir, proche de celui de la BD réaliste d'avant-guerre, et le second degré de son humour, volontiers grinçant. Ce garçon est plein de talent et saturé de références. (Pascal Ory - Lire, novembre 2011 )
Quand le 9ème art colle une gifle au 7ème 8 étoiles

Cet album inclassable fournit à Blutch l’occasion de parcourir l’histoire du 7ème art, disséquant à l’aide de son trait acéré le modèle hollywoodien dans une tonalité très « nouvelle vague ». En quelques 80 pages, l’auteur s’interroge sur le rôle du cinéma et son rapport à l’art, et nous livre un constat amer et impitoyable : le cinéma est « la supercherie suprême, la bourgeoisie industrielle qui avance masquée ». Un piège tragique pour les acteurs qui sont conduits à livrer à tout le monde le spectacle de leur lente décrépitude malgré tous leurs efforts pour se farder et masquer les effets du temps…

Blutch met ainsi en avant la dimension érotique du cinéma. Pour lui, les actrices sont des objets à fantasme manipulés par des producteurs-maquereaux. Le cinéma est LA révolution du XXème siècle : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des pin-ups à la plastique parfaite sont livrées en pâture au plus grand nombre, telles des victimes sacrificielles entre les mains d’industriels vénaux davantage préoccupés par le nombre d’entrées en salle que par l’aspect artistique (la métaphore de King Kong est parlante).

Il en ressort une forte impression de désenchantement, même si on sent que l’auteur, de par son érudition, est - ou a été - un passionné de cinéma. L’album grouille de nombreuses références qui n’échapperont pas aux cinéphiles, en particulier ceux attachés à la grande époque « Quartier latin », d’ailleurs eux-mêmes égratignés au passage… Avec des questions contenant leurs propres réponses : La cinéphilie, simple pratique masturbatoire ? (« le ciné-club était une entreprise faite pour baiser »). Le cinéma, « filet à papillons pour petites filles » ? Miroir poussant à l’identification compulsive voire pathologique des petits garçons jusqu’à l’âge adulte aux héros américains (tels Burt Lancaster sur lequel Blutch semble faire une fixette et semble prendre un malin plaisir à démystifier) ?

Blutch insuffle à sa réflexion une poésie âpre et hallucinée soulignée par un trait épais et anguleux, comme s’il avait dessiné avec un couteau. Structuré de façon aléatoire, tel un monologue intérieur à bâtons rompus, le propos est cérébral et torturé et pourra rebuter quiconque n’est pas cinéphile dans le sens noble du terme, si tant est que l’on trouve une noblesse au 7ème art. Moins attiré par les salles obscures depuis quelques temps, je ne pouvais être qu’interpelé par le titre de cet album, qui je dois dire, a apporté un peu d’eau à mon moulin et ne fera que me rendre davantage indifférent vis-à-vis du cinéma, tout particulièrement l’industrie hollywoodienne et ses acteurs dont les nombrils réunis pourraient contenir toute l’eau du Pacifique. Mais après tout, s’il y en a que ça fait encore rêver… En résumé, une œuvre à lire et à relire afin d’en saisir toutes les subtilités.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 15 avril 2014