Les Ecofictions - Mythologies de la fin du monde
de Christian Chelebourg

critiqué par Sahkti, le 19 octobre 2012
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Quand la peur nourrit.
Spécialiste de l’imaginaire, l’auteur est professeur de littérature à l’Université de Nancy II.
Dans cet ouvrage, il se penche sur la représentation fictionnelle des questions écologiques de notre temps.
Que ce soit le réchauffement climatique, les épidémies, les catastrophes naturelles et j’en passe, tout est sujet à discussion, médiatisation, angoisse et questionnement. Les journaux télévisés ne sont pas les seuls à s’être emparés du phénomène ; cinéastes et romanciers y ont trouvé une source inépuisable d’inspiration. En exploitant ces craintes, on en crée de nouvelles, on réactive de vieux réflexes de panique.

Christian Chelebourg s’intéresse à cette fiction qui se repaît de nos terreurs, que ce soit au cinéma, dans la bédé, les romans, les documentaires ou les essais. Les écofictions se nourrissent de l’imaginaire d’une époque qui oscille entre toute puissance et intense fragilité.
Il est vrai que les mises en garde sur le désastre écologique qui se profile sont devenues notre pain quotidien ; la planète court à sa perte et tout le monde l’affirme, du présentateur télé à la pub pour tel ou tel produit bio.
Sauvons la planète. Oui, mais comment ?
Notamment en inscrivant cette thématique dans l’imaginaire des gens à travers un nombre impressionnant de produits qui font partie intégrante de nos vies et de nos esprits. Une manière sournoise, selon l’auteur, de pouvoir contrôler socialement les populations si on n’y prend garde.
La dissection menée par C.Chelebourg est utile à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle permet de faire la distinction, pour autant que possible, entre mythe et réalité. A force de raconter tout et n’importe quoi, qui croire ? Que penser ? D’autant plus que l’adage selon lequel « si ça passe à la télé, c’est que c’est vrai » a encore de beaux jours devant lui.
Ensuite, il est bon de rappeler aux gens qu’il ne faut pas tout gober et qu’il convient de faire preuve de discernement. Un des exemples les plus connus est sans doute celui du calendrier maya annonçant prétendument la fin du monde pour le 21 décembre prochain. Cette date a eu beau être démontée, rien à faire, elle donne lieu à de nombreux films, essais et films. Sans parler des comportements humains que cette fin annoncée provoque/provoquera.

L’occasion de se (re)plonger dans ces croyances, dans leurs racines historiques, dans ce qui les motive et leur assure un tel succès.
La dramatisation est un des moteurs de l’existence et l’écologie semble être un terreau fertile pour la ressourcer. Par méconnaissance du sujet ? Sans doute. Mais il faut y voir plus loin, rejoindre les fondements ancestraux de la peur, les recoupements avec les diverses mythologies qui façonnent notre Histoire.
Il est des dérives écofictionnelles apparentes, cousues de fil blanc. D’autres sont plus silencieuses, souterraines, voire perverses. Chelebourg nous apprend à les décortiquer, à les reconnaître et à mieux cerner leur raison d’être. N’endort-on pas la vigilance de beaucoup en attirant leur attention sur tel ou tel aspect, la détournant par là même d’autres éléments bien plus malsains ? Il est parfois si aisé de convaincre et lorsque l’imaginaire est devenu à ce point présent dans notre vie de tous les jours, est-on encore à même d’en déceler les dangers ?

Cet ouvrage est bien entendu subjectif, ne serait-ce que par le choix des illustrations proposées par l’auteur et l’hypothèque qu’il entend démontrer et qu’il habille d’exemples judicieusement choisis. Il n’empêche, il a le mérite de tenter de nous ouvrir les yeux sur une réflexion plus pertinente à mener quant à ce qui nous entoure et nous habite. Avec ou sans nos peurs.