Le fils oublié de Trotsky
de Jean-Jacques Marie

critiqué par CHALOT, le 15 octobre 2012
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
une biographie édifiante et passionnante
« Le fils oublié de Trotsky »
livre de Jean Jacques Marie
éditions du Seuil
janvier 2012
184 pages


Son seul « crime »

Quand Jean Jacques Marie, historien marxiste, grand connaisseur de l'histoire de la révolution russe a sorti ce livre, les militants qui le connaissent bien se sont posé toutes sortes de questions :
Quelle mouche l'a piqué?
Pourquoi un tel livre après de nombreuses œuvres de référence?
Le lecteur a très vite la réponse à ces questionnements des personnes qui connaissent l'auteur comme écrivain et comme militant.
Il s'agit non seulement de rendre un hommage appuyé à Serge Sedov et à son courage mais aussi de revenir sur la période noire de la contre révolution stalinienne.
Serge, second fils de Trotsky n'a jamais été inscrit au parti bolchevik, il ne faisait pas de politique.
Il n'avait qu'un seul tort, c'est d'être le fils du grand révolutionnaire banni et de ne pas se désolidariser de son père.
Resté volontairement en URSS, très lié affectivement à sa mère, il est comme le dira plus tard sa première épouse « un garçon espiègle, séduisant, talentueux ...Il réussissait tout ce qu'il entretenait »
Jean Jacques Marie comme à chaque fois captive son électorat en transformant une biographie en roman réaliste et vrai. Ce n'est pas une fiction, les détails ne sont pas oubliés et c'est avec minutie qu'il nous relate les dernières années de Serge .
Serge Sedov n'est pas encarté, certes, il a souffert de l'éloignement de son père qui consacrait tout son temps au combat politique mais il refuse de renier les siens, de servir les ennemis de la révolution.
Son seul « crime » c'est d'être le fils de Trotsky, il le paye de sa vie.
La politique est présente dans ce livre avec une analyse et une description de la terreur stalinienne avec ses procès truqués, ses exterminations de militants et de militantes et de leurs proches.
L'auteur nous rappelle le silence de nombreux intellectuels et même la complicité de certains;.
La Ligue des droits de l'Homme n'a pas brillé, loin de là pour ne pas dire plus.
Il était minuit dans le siècle pour ces révolutionnaires.
L'étincelle révolutionnaire est encore là malgré la terreur, les dénonciations, les assassinats et si certains anciens révolutionnaires avouaient des crimes qu'ils n'avaient pas commis, d'autres résistaient.
Jean Jacques Marie nous conte cette grève de la faim des centaines de trotskistes à Vorkouta, à 150 km à peine du cercle polaire.
Il y avait en URSS des bureaucrates, des lâches, des faibles mais aussi d'authentiques révolutionnaires et aussi des hommes comme Serge Sédov qui refusaient de capituler et de servir malgré eux de caution à Staline.
C'est un livre qu'on ne lâche pas avant de l'avoir terminé.

Jean-François Chalot