Une averse
de Kim Yu-Jong

critiqué par Grégoire M, le 10 octobre 2012
(Grenoble - 49 ans)


La note:  étoiles
Des vies de misère
Au travers de 9 courtes nouvelles Kim Yu-Jong (1908-1937) nous compte la vie rurale en Corée au début du 20ième siècle, la vie de paysans pauvres, abrutis par la misère. Il nous compte des histoires de couple, où l’amour n’a pas sa place, où une femme est avant tout un moyen d’améliorer sa condition, pour aider à la récolte ou bien pour s’attirer les faveurs du propriétaire si elle sait lui plaire. On peut encore la battre, la vendre, ou bien promettre sa fille en mariage en échange de travail manuel. Toutes ces histoires seraient simplement affligeantes si l’auteur ne gardait pas une véritable affection envers ses personnages, envers le bon sens simpliste dont certains font preuve, envers leur naïveté et leurs espoirs misérables. Des moments tendresses apparaissent parfois là où on ne les attend pas. La femme vendue par son mari disparaîtra avec celui-ci quelques jours après la vente...
Le style de Kim Yu-Long est une merveille de concision tant ses nouvelles sont épurées à l’essentiel. Les récits se concentrent sur une action unique et une courte période. Quelques phrases suffisent à planter un décor, quelques pensées, quelques paroles échangées à faire vivre un personnage. Tout repose sur une formidable précision pour que les quelques pages d’une nouvelle évoquent un univers qui va bien au-delà de l’histoire qui nous est contée. Enfin, j’ai particulièrement apprécié le sens de l’ellipse dont l'auteur fait preuve, la fin des histoires restant toujours en suspens.
Une attente déçue... 5 étoiles

Je dois dire que je me faisais un plaisir de lire ce recueil, une disposition née de la convergence de plusieurs éléments:
-Kim Yu-Jong est donné comme un des grands de la littérature coréenne dans laquelle il est apparu comme un véritable météore puisqu'il n'eut le temps d'écrire qu'une trentaine de nouvelles et une douzaine d'essais avant d'être emporté par la tuberculose à seulement 29 ans;
-l'excellente critique de Grégoire M qui m'avait personnellement chaudement recommandé ce livre, sachant notre goût commun pour une certaine littérature asiatique, et que je remercie de toute façon;
- l'appréciation de Michel Polac (en quatrième de couverture) qui tenait ce recueil pour "un petit chef-d'oeuvre".

Et comme il arrive souvent lorsque les attentes sont trop fortes... le plaisir ne fut pas au rendez-vous. Cette lecture me plonge dans la plus grande perplexité et je ne suis pas sans éprouver une certaine difficulté à justifier cette déception.

En fait, je crois qu'elle repose sur un paradoxe. Loin de moi l'idée de contester le talent de Kim Yu-Jong. Issu d'une famille aisée, il avait abandonné ses études pour mener une vie de vagabond au contact de ces paysans misérables. Et justement, on sent qu'il pénètre ses personnages de l'intérieur avec une telle justesse, une telle connaissance et imprégnation de leur univers et de leur mode de fonctionnement si lamentables et étriqués, refermés sur les plus basses considérations matérielles (il est vrai qu'on ne peut les condamner; comme il est écrit dans la note de l'éditeur "ces pauvres hères n'ont ni le temps, ni l'argent nécessaire pour chercher à s'élever") ; il parvient à une telle symbiose du fond et de la forme qu'il en est résulté pour moi une sorte de rejet global.

Sans doute ce ressenti dominant m'a-t-il fait passer à côté de quelque chose; peut-être n'était-ce pas le bon moment pour moi. Chacun sa sensibilité et je ne voudrais en aucun cas que mes propos vous dissuadent de lire ces nouvelles et de vous faire votre propre opinion.

Myrco - village de l'Orne - 75 ans - 26 mai 2013