14
de Jean Echenoz

critiqué par Lesdouzecoupsdeminuit, le 7 octobre 2012
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Loto gagnant
5 comme le nombre de héros de l'histoire.
Anthime, jeune comptable dans une fabrique de chaussures: Discret, timide, rêveur et amoureux en secret. Charles, son frère ainé, jeune contremaître, à l'avenir prometteur dans la même fabrique: Sûr de lui, un brin condescendant, passionné de photographie et aimé. Padioleau, Bossis et Arcenel : trois noms sans prénoms, tous camarades d'Anthime. Le premier est garçon boucher, le second équarrisseur et le troisième bourrelier.
1 comme la seule femme du récit.
Blanche est son prénom. Borne son nom. Elle est la fille du propriétaire de la fabrique de chaussures. Au moment où commence l'histoire, elle ne sait pas encore qu'elle porte la vie.
14 comme l'année où commencent les évènements.
Nous sommes au début du 20ème siècle, dans les premiers jours du mois d'août. Quelques jours plus tôt, un prince est mort à 1500 kilomètres de là ! Mais pas de fresque historique ici, le récit nous plonge dans les petites histoires des gens simples, involontairement entraînés dans les tourments de la Grande Histoire. Nous sommes en 1914, dans les tous premiers jours de ce qu'on appellera "la Grande Guerre".

90 comme le nombre de pages de ce court roman, de cette longue nouvelle.
Le récit relate, de manière croisée, la guerre. Pour les hommes, la frénésie du front des Ardennes. Pour la femme, l'attente à l'arrière en Vendée. Pas de grands actes héroïques, pas de récits épiques, encore moins de belles histoires d'amour, pas même un grand personnage historique en vue. La vraie vie, racontée comme un journal intime, écrite comme une lettre à un bien-aimé.

Le narrateur, spectateur comme nous, relate les scènes de l'horreur quotidienne de 6 personnages. D'un côté: la pénurie, l'absence de nouvelles, la peur quotidienne de la mort d'un être cher. De l'autre: les tranchées, les pilonnages, la vermine et la peur quotidienne de ne pas revoir l'être cher. Au départ il y eut l'euphorie de la "guerre éclair". Vite remplacée par les doutes lors de l'enlisement. Puis la rébellion à mesure que l'injustice et l'arbitraire dominaient les décisions des généraux. Les scènes de guerre sont dures, crues et agressent les sens. L'odeur de la crasse et de la pisse. Le bruit des obus qui tombent sans discontinuer. On patauge dans la boue jusqu'aux mollets. On voit la mort qui s'abat sur le camarade de tranchée juste à côté de soi. Sans comprendre la raison de ce miracle personnel. Combien d'entre eux rentreront ? En vie ? Entier seulement...?

Et cette femme, abandonnée, dont le ventre s'arrondit tous les jours un peu plus. Qui est le père de son enfant ? Lui qui est parti sans lui proposer de fiançailles, sans lui promettre le mariage. Que deviendra-t-elle, si le père ne rentre pas ? Quand recevra-t-elle une lettre ?

Dans son 15ème roman, Jean Echenoz nous propose d'entrer dans l'intimité, le quotidien, les émotions de ces gens simples qui ont survécu sans héroïsme mais dignité à l'horreur de la Guerre de 14. L'écriture est sobre, sèche, sans fioritures stylistiques. Chaque scène est racontées avec un zèle d'historien des armées. On sait tout de l'équipement du soldat: de la cervelière sous le képi qui coupe le cuir chevelu... vite remplacée par un casque métallique laqué bleu, tellement poli qu'il brille au soleil... les pantalons rouges garances qui offrent une cible de choix aux coups de feu de l'ennemi... le paquetage de 35 kg détaillé ustensile par ustensile. On connaît tout de la vie quotidienne mais aussi des grandes étapes de ces 4 années de guerre.

Il réussit divinement à faire vibrer nos 5 sens : la chaleur du soleil d'août, les odeurs du foin moissonné, le son des cloches à la déclaration de guerre, le froid humide des tranchées, les odeurs âcres de la fumée, le goût écœurant du "singe", le son des fanfares à l'armistice. Et enfin, la chaleur des étreintes lors des retrouvailles. Mais aussi les douleurs imaginaires de ceux qui rentrent, brisés moralement et physiquement.

"14" raconte une infime partie de la Grande Guerre mais qu'elle est forte, bouleversante et poignante. Mais qu'elle est trop courte cette histoire ! Qu'ils sont attachants ces personnages ! Une fois refermé, on n'a qu'une envie: reprendre le livre du début pour revivre l'émotion... une fois encore !

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Une pépite Echenoz 10 étoiles

Un joyau, un plaisir, j'ai adoré. 120 pages (seulement) d'un pur bonheur d'écriture. Le maître a encore frappé.

Après s'être attelé à la biographie romancée dans "Courir", "Ravel" et "Des éclairs", Jean Echenoz s'empare du sujet de la Grande Guerre. "14" est un livre grave mais doté d'une finesse et d'une savoureuse drôlerie dans l'écriture. Il est toujours succulent de rebondir dans la lecture d'un roman de Jean Echenoz, au rythme des virgules et des appositions, paragraphe après paragraphe, souriant à la justesse et la poésie de ses mots. Quel talent! Et surtout, ne pas aller trop vite... prendre son temps pour savourer une sorte de quintessence de l'écriture...

Après ces éloges, je vais brièvement parler du livre et donner quelques passages. De sa concision, car tout en "14" est réduit. Là où certains auraient donné comme titre à ce roman "La grande guerre" ou "La guerre de 14/18" ou je ne sais encore, pour l'auteur, juste "14" suffit. Là où certains essaient de vendre leurs romans en nous faisant saliver en 4ème de couverture avec un long texte très descriptif qui raconte parfois presque l'histoire, Jean Echenoz, lui, n'écrit que 3 lignes et suscite le mystère.
"Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Et dans quel état." J'adore!!! Rien que cela... et c'est toute la magie d'Echenoz.

120 pages sur la grande Guerre donc et presque nul récit des combats. On est loin des livres qui racontent les tranchées et le tragique quotidien de nos poilus (ceux que j'ai pu lire et qui m'ont aussi passionné.. "Le feu" … "A l'ouest, rien de nouveau"...); Echenoz raconte à sa façon, avec une sorte de désinvolture, cette période, le contexte autour de la guerre, les destins de ces 5 hommes qui partent au front et, bien sûr pour peu de temps, comme on le pensait à l'époque, une quinzaine de jours suffirait à régler leur compte aux Allemands. 5 hommes provenant d'un village perdu dans la campagne vendéenne où l'usine de chaussures fait vivre les gens. Le village va bientôt être déserté par ses hommes car la guerre sépare les familles et les couples, Echenoz esquisse un tableau de toutes les conséquences de ...14. Et puis, il y a Blanche qui reste seule, Blanche qui attend son enfant, seule. Qui reviendra vers elle? Qui reviendra vivant? Nous le saurons bientôt.

Il est difficile d'en dire plus, il n'y a rien de plus dans la trame du roman, mais c'est le point de vue de l'auteur qui est parfois surprenant (décrire les animaux sur le front, décrire le lourd bagage des soldats...), en plus de l'écriture qui flatte le lecteur. Alors mon parti sera de donner quelques extraits, quelques phrases que j'ai trouvées magnifiques... notamment quand l'auteur fait la description d'un meublé, voici ce qu'on peut lire page 22:
"Il règne une drôle d'ambiance disharmonieuse dans cette chambre pourtant si calme et bien rangée. Sur son papier peint fleuri et légèrement décentré, des cadres enserrent des scènes locales – barges sur la Loire, vie des pêcheurs à Noirmoutier- et les meubles témoignent d'un effort de diversité forestière tel un arboretum: bonnetière à miroir en noyer, bureau en chêne, commode en acajou et placages de bois fruitier, le lit est en merisier et l'armoire en pitchpin. Drôle d'atmosphère, donc, dont on ne sait si elle tient à la disjonction -inattendue dans une maison bourgeoise en principe soigneusement tapissée- des lais de ce papier peint passé dont les bouquets fanent en mesure, ou à cette surprenante variété mobilière de bois; on se demande comment des essences si diverses peuvent s'entendre entre elles. Et puis, on le sent très vite, elles ne s'entendent pas bien du tout, elles ne peuvent même pas s'encaisser..."

...., ou encore page 99 quand il raconte le silence du front entre deux combats...
"Silence certes imparfait, pas complètement retrouvé mais presque, et presque mieux que s'il était parfait car griffé par les cris d'oiseaux qui l'amplifiaient en quelque sorte et qui, faisant forme sur fond, l'exaltaient – comme un amendement mineur donne sa force à une loi, un point de couleur opposée décuple un monochrome, une infime écharde confirme un lissé impeccable, une dissonance furtive consacre un accord parfait majeur, mais ne nous emballons pas, revenons à notre affaire."
Que c'est beau... Il faut lire Echenoz!!!

Laugo2 - Paris - 58 ans - 2 janvier 2016


14, 15, 16, 17 ou 18 ? 5 étoiles

Texte très court, composé avec esthétisme, d’un style XIXe assez classique, avec des phrases sinueuses, mais aussi un récit sans originalité.
On a l’impression d’avoir déjà lu cette histoire.

Le titre m’a induit en erreur : les soixante premières pages se déroulent pendant l’année 1914. Mobilisation et départ. Bref évocation de la bataille des frontières. Puis une seule page pour décrire la période d’août à décembre 1914 et les événements qui conduisirent les deux armées, allemande et française, à s’enterrer (le début des tranchées).
Puis on passe à l’année 1915, et rapidement aux autres années de la guerre, 1916,17 et 18 (sur les 60 autres et dernières pages). Alors pourquoi ce titre « 14 ».

Néanmoins, j’ai été marqué par le chapitre 13 du récit, très émouvant, dans lequel Arcenel, un des personnages du roman, ne trouvant plus ses copains dans le bataillon, quitte son poste et va se promener dans la campagne, sans but, « pour se changer les idées, pour s’abstraire un moment de l’affreux merdier… » Les gendarmes mettront fin à cette escapade innocente et bucolique et Arcenel finira devant le peloton d’exécution.

Chene - Tours - 54 ans - 26 septembre 2015


En 15 jours, on va régler cette guerre … 8 étoiles

… Qu’ils disaient. Qu’ils pensaient. Ca n’allait pas faire un pli, ce ne serait pas vraiment douloureux … Nach Berlin !
Mais bien sûr, ça ne se passât pas ainsi. D’ailleurs les guerres ne se passent jamais comme on le pense. Et d’abord peut-on penser une guerre ? Jean Echenoz ne la pense pas. Il prend le biais de cinq jeunes hommes, vendéens, qui sont tout à coup sommés de rejoindre un bataillon, d’enfiler un uniforme, de recevoir un barda de 35 kg et d’aller au front comme on cueille des fleurs. Rouges les fleurs, et qui s’épanouissent plutôt au milieu de la poitrine …
Deux frères parmi les cinq : Anthime, à l’emploi relativement subalterne dans l’usine locale de fabrication de chaussures, et Charles, son frère aîné, au poste plus enviable, Charles, plus sûr de lui. Frère aîné quoi ! Mais il ne faudrait pas oublier Blanche, la fille du patron de l’usine. Blanche n’est pas appelée à la guerre bien entendu, mais Blanche aime Charles et Anthime aime Blanche. Mais les deux sont partis, avec les gars de la classe (comme on dit encore parfois) et Blanche est restée. Pas tout à fait seule puisque Blanche se rend compte qu’elle est enceinte. Reviendra-t-il, le père ?
Jean Echenoz traite cette guerre au ras des hommes, sans grandiloquence mais sans nous épargner les saloperies, les injustices, la boue, le sang, le désespoir, la peur, la douleur … ce qui constitue le quotidien d’une guerre, quoi. Et celle de 14, en la matière, reste une solide référence.
Evidemment nos bonshommes ne reviendront pas indemnes de cette guerre. Voire ne reviendront pas. Blanche ne verra pas forcément revenir celui qu’elle espérait. La guerre, c’est la guerre. Et la guerre, évoquée par Jean Echenoz ne fait pas exception. Reste que c’est une belle écriture, même si c’est un moment vite passé vue la brièveté du roman. En tout cas « 14 » ne s’est pas terminé en quinze jours, et pas à Berlin ….

Tistou - - 68 ans - 15 février 2015


Innocence sacrifiée 7 étoiles

Loin de Barbusse et de Remarque et d’autres encore qui ont brillamment écrit sur cette horrible guerre, Jean Echenoz propose avec « 14 » une sorte de dissertation, une description froide et distanciée, de ce que fut la Grande Guerre dans toutes ses dimensions mais en quelques pages seulement, juste pour évoquer tout ce qu’il ne faut pas oublier, tout ce qui restera de ce terrible épisode de notre histoire.

Août 1914, en Vendée, très loin du front, cinq jeunes garçons ont entendu les cloches de la mobilisation et partent en guerre dans toute la fraîcheur de leur insouciance, ils ont pris les armes pour quelques jours, ils reviendront rapidement quand cette formalité sera expédiée. « L’affaire de quinze jours, donc, avait estimé » l’un d’eux. Mais les jours passent et s’additionnent, le conflit s’enlise comme les soldats s’embourbent dans les tranchées et chacun connait un sort différent ce qui permet à l’auteur de balayer l’échantillon des sorts réservés à la plupart des « poilus », il y aura la mort, la blessure invalidante, le gazage, la disparition mais aucun ne sortira indemne de cette terrible boucherie même pas celui qui, avant de partir, a laissé dans le ventre de la fille de la famille du patron de l’usine locale la petite graine qui germera pendant que son géniteur sera au combat. Ainsi, Echenoz étend le champ des victimes à ceux qui sont restés à l’arrière et qui souffrent eux aussi comme tout le règne animal largement impliqué dans la tuerie générale.

Cette dissertation se voudrait exhaustive en proposant un catalogue de tout ce que la guerre a provoqué mais elle survole beaucoup ce conflit qui est beaucoup plus complexe que le laisse penser la lecture de ce texte. L’objectif d’Echenoz n’est certainement pas de nous rappeler ce que fut cette guerre, la littérature sur le sujet est déjà très abondante et très riche, son texte n’apporte rien à sa connaissance et pas plus à sa compréhension. Non, je crois plutôt qu’il a trouvé dans cet épisode exceptionnel matière à dispenser son talent d’écrivain qui est grand et on ne peut que déguster ses phrases et goûter la richesse de son vocabulaire. On gardera tout de même en mémoire certaine remarques qu’il cherche à mettre en évidence : le décalage entre l’attendu et l’avenu, l’impréparation, l’imprévoyance, l’inorganisation, l’incurie qui ont prévalu lors de la préparation de ce conflit, l’innocence, la candeur et la naïveté de ces soldats improvisés et une certaine forme d’accusation des va-t-en-guerre qui ont expédié toute une génération, représentée par ces cinq garçons, dans la gueule des bouches à feu et à fer.

Débézed - Besançon - 77 ans - 29 août 2014


L’absurdité de la guerre 8 étoiles

J’ai vu dans ce roman une sorte de docu-fiction, prenant souvent la forme d’un roman-inventaire, se voulant exhaustif sur tout le matériel utilisé lors de la grande guerre , procédant d’un regard précis et distancié, et mettant en scène 5 poilus représentatifs des soldats plongés progressivement dans l’enfer des tranchées .

Certes, ce roman m’a surprise, il n’a pas la puissance émotionnelle d’ouvrages tels que LES CROIX DE BOIS. Echenoz n’y montre pas l’héroïsme, plutôt le sauve- qui -peut quotidien , mais j’ai surtout apprécié que sous la brièveté du récit et son apparente froideur, Echenoz parvienne à fait sentir à son lecteur, au travers du récit du quotidien de ses personnages, au travers des ordres qu’ils reçoivent, toute l’absurdité de la guerre .

Alma - - - ans - 7 août 2014


Comme un diaporama 8 étoiles

C'est un diaporama que nous offre ici Jean Echenoz, une succession de photographies de "La Grande Guerre", comme on peut se la figurer d'après les récits des survivants. Une plongée dans cette réalité cruelle qu'apporta ce conflit, aux moyens militaires encore balbutiants, on a la sensation, à la lecture de cet ouvrage, que cette guerre était expérimentale.

Les cinq soldats, subitement plongés dans cette guerre qu'ils ne pouvaient imaginer, ont subi des sorts différents. Des jeunes hommes, tout simplement, perdus dans les tranchées, loin de leur Vendée natale. L'un d'entre eux, plus "chanceux", expérimentera la guerre en l'air...

La promptitude de l'écriture se prête bien à cette succession de tableaux qui faisaient le quotidien de cette Première Guerre Mondiale.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 28 juin 2014


vous avez dit la grande guerre ? 10 étoiles

Un bien court roman pour une si grande guerre ! Mais Jean Echenoz, avec son aisance habituelle dans le maniement de la langue française, nous fait partager le quotidien d’un parmi ces tout petits, chair à saucisse de la grande tuerie, qui s’en sont relativement mieux sortis que d’autres grâce à la perte d’un membre dès les premiers combats. Tel est le cas d’Anthime (oui, le prénom était courant à cette époque, avant de revenir à la mode tout récemment après une longue période de déclin), un rêveur à bicyclette qui va se trouver embarqué dans cette aventure meurtrière et reviendra bientôt, manchot mais toujours porteur (dans sa tête) de son bras droit. Le charme du récit tient bien entendu au style de l’auteur, qui semble capable d’écrire avec la même aisance sur n’importe quel sujet, mais aussi et surtout à la véracité des personnages et des sentiments qu’ils expriment. Un roman vite lu, mais que l’on peut aussi déguster, comme un macaron gourmand : on l’avale tout rond ou bien on le laisse fondre tout doucement dans la bouche, au choix…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 6 avril 2014


un livre inutile de plus... 4 étoiles

Avec la commémoration du centenaire du début de la guerre, je m'attends à voir fleurir les publications sur le sujet... nul doute que ce court roman constitue les prémices d'une longue série à venir, romans, essais, rééditions en tous genres pour "surfer" comme on dit sur la mode du souvenir.

Qu'apporte ce livre à la liste déjà longue des romans sur la Première Guerre Mondiale? Pas grand' chose en vérité. L'histoire de cinq hommes, la rivalité amoureuse de deux d'entre eux, la distillation d’anecdotes que tous les amateurs du genre connaissent par coeur, un manichéisme sans réflexion, un parti-pris là encore sans recul et dans la lignée révisionniste historique.

Le récit n'est pas vraiment prenant, à aucun moment je ne me suis senti proche de cette histoire improbable et caricaturale.

Reste le style, bon sans doute mais froid et détaché... ce qui participe sans doute au fait que ce livre ne touche pas le lecteur. Un livre sans vraiment d'intérêt...

On préfèrera lire de vrais livres sur le sujet, écrits par des acteurs du conflit (Dorgelès, Remarque et surtout et encore Jünger)

Vince92 - Zürich - 47 ans - 23 juillet 2013


Déçu... 5 étoiles

Longue nouvelle ? Court roman ? Il y a certes quelques belles pages d'écriture - c'est Echenoz quand même ! - mais on reste quand même beaucoup sur sa faim à la lecture de cet ouvrage. Comme le dit Tanneguy relisons plutôt Dorgelès et Cendrars ou mieux encore "Ceux de 14" de Maurice Genevoix. Une fiction sur la Grande Guerre peut à mon sens être écrite par des auteurs d'aujourd'hui, certains y ont brillamment réussi récemment (Daniel Stilinovic ou Maryline Martin par exemple) mais je trouve qu'Echenoz n'a pas été trop bon dans l'exercice pour sa part. Beaucoup de clichés et quelques approximations font que son (trop court) récit ressemble plus à un pensum qu'à une oeuvre mûrement pensée. Peut mieux faire aurait dit mon vieux prof de Français ! Venant d'un auteur tel que lui on pouvait espérer beaucoup plus, ma note est donc sévère.

Patman - Paris - 62 ans - 11 juin 2013


Les horreurs l’emportent 8 étoiles

Nous avons tous appris ce départ « fleur au fusil » des soldats français de 14 qui croyaient que la guerre ne serait qu’une formalité et que sûre de son bon droit, l’armée française reviendrait victorieuse. C’était une question de jours, de semaines au pire.

La 1ère guerre mondiale fut le massacre d’un lustre quasiment et Jean Echenoz au travers de deux jeunes hommes et d’une femme principalement nous donne à lire, dans un court roman, des drames humains nés aussi vite et aussi irrémédiablement que mit à voir le jour la guerre de tranchées.

Blanche, Charles et Anthime, une femme et deux frères et le sort qui brise ce qui devait être fait naturellement. Les drames de la guerre cachent quasiment les drames humains qui passent à la lecture au second plan mais qu’Echenoz semble avoir voulu poser comme autant de simples, même si dramatiques, conséquences d’un séisme qui devait changer la face du monde.

Monito - - 52 ans - 21 mars 2013


La Grande Guerre 7 étoiles

N'ayant jamais lu Echenoz (désolé) je n'ai donc aucun élément comparatif avec ses autres ouvrages. Coluche disait dans un des sketches "la guerre de 14 c’était pas les vacances , d'un autre côté tant mieux car il a pas fait beau". A la lecture de ce court roman on peut entrevoir seulement les horreurs de la Grande Guerre , les tranchées avec les morts , les maladies , les rats , les puces et... les sangliers !
L'auteur esquisse également les bouleversements que ce conflit va entrainer dans notre société (l'exode des campagnes , les femmes dans les usines , les gueules cassées).
J'ai apprécié la lecture de 14 même si je rejoins certains Cliens en pensant qu'un approfondissement n'aurait pas été superflu.

Ndeprez - - 48 ans - 4 mars 2013


Un petit Echenoz pour une grande Guerre 6 étoiles

Petite (légère) déception que cet Échenoz dont on est pourtant fan.
Il faut dire qu'après ses récentes livraisons (Courir et Des éclairs), notre auteur français préféré avait placé la barre très haut.
Et de plus, on vient juste de dévorer avec enthousiasme Peste & choléra d'un autre auteur (Patrick Deville) mais qui est de la même veine que les précédents cités.
Alors ce 14, au titre pourtant prometteur, avait la tâche difficile ... sans doute trop difficile.
Faut dire que le sujet n'est pas très enthousiasmant : on est en 14, 1914 évidemment, et les appelés partent avec entrain pour l'une des plus grandes boucheries de l'humanité.
Au pays vendéen, ils étaient deux, Anthime et Charles à tourner autour de la belle Blanche.
Mais les voilà donc partis vers les Ardennes avec deux ou trois autres conscrits, laissant Blanche derrière eux, seule pour mettre au monde son marmot.
Des quatre ou cinq amis partis avec entrain, combien reviendront ? Et en quel état ? On connait la musique militaire.
Et bien oui maître Échenoz, on ne comprend pas très bien où vous voulez en venir : le premier mouvement nous entraîne dans les pas d'Anthime, Charles et leurs amis, ok. Le final remettra les pendules à l'heure, ok. Oui, mais entre ces deux temps, le développement de la guerre des tranchées nous aura laissé sur notre faim.
Alors il reste un petit bouquin échenozien de plus, la plume toujours aussi sûre. Et c'est toujours un régal que de se délecter de ces mots-là, même sur un sujet aussi sinistre que la Grande Guerre sur laquelle Échenoz jette un regard désabusé.
Car l'Histoire se répète n'est-ce pas, et l'homme est sourd à ses enseignements : Quatre-vingt treize, 14, ... et il y aura encore d'autres millésimes ...

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 6 décembre 2012


90 ou 123 6 étoiles

"90 comme le nombre de pages de ce court roman"

lire plutôt "124 comme le nombre de page de ce court roman" (la dernière n'est pas numéroté, d'où 123 sur la fiche de l'éditeur)

et alors 90 comme le nombre de minutes pour lire ce livre

Bonne idée de prendre des nombres pour parler d'un livre fait de l'accumulation d'un grand nombre d'images d'Épinal, il y a cependant une approche intéressante la dimension de la vie matérielle des combattants.

JulesRomans - Nantes - 66 ans - 9 novembre 2012


C'est l'affaire de 15 jours ! 9 étoiles

Ils sont tous des amis : Charles, Bosis, Anthine, Arcenel, … Ils sont partis pour la guerre, celle de « 14 », qui deviendra : celle de « 14-18 », plus tard encore : « la der des ders ». C’est l’affaire de 15 jours ! qu’ils disaient … Blanche est restée seule à attendre, tout particulièrement l’un d’entre eux. Ils vont connaître les obus, les tranchées, le sang, la cervelle du frère d’arme qui vient vous éclabousser, les aéroplanes avec leurs bombes… Les animaux qu’ils vont tuer pour se nourrir, les grands et les petits ; et ceux qui se nourrissent de vous-mêmes : les rats et les poux. Et puis, au final, la question : comment se débrouiller avec un membre fantôme ? Ce membre amputé que vous avez offert à la Patrie qui est, dit-on, reconnaissante, la Salope ! Car c’est une époque où l’on carbure encore avec de l’honneur. Charles ne reviendra pas, Bosis y laissera la peau, Arcenel se tirera une balle dans la tronche, Anthine reviendra avec un bras en moins (mais que va-t-on faire de lui, maintenant ?).

Un court roman qui nous compte les horreurs-de- la- guerre en 124 pages chrono, hachées menu.
De la belle ouvrage !


Extrait :

Le sac (du soldat de 14) ne pesait d’abord vide que six cents grammes. Mais il s’alourdissait vite (…) : - bouteilles d’alcool de menthe et substitut de café, boites et sachets de sucre et de chocolat, bidons et couverts en fer étamé, quart en fer embouti, ouvre-boite et canif -, en vêtements- caleçons court et long, mouchoirs en coton, chemises de flanelle, bretelles et bandes molletières – brosses à habits, à chaussures et pour les armes, boite de graisse, de cirage, de boutons et de lacets de rechange, trousse de couture et ciseaux à bouts ronds -, en effets de toilette et de santé – pansements individuels et coton hydrophile, torchon-serviette, miroir, savon, rasoir avec son aiguisoir, blaireau, brosse à dents, peigne- ainsi qu’en objets personnels- tabac et papier à rouler, allumettes et briquet, lampe de poche, bracelet d’identité, petit paroissien du soldat, livret individuel.
(…) ensuite on arrimât sur lui, à l’aide de sangles, divers accessoires échafaudés. Au sommet, d’abord, sur une couverture roulée surmontant une toile de tente avec mâts, piquets et cordeaux incorporés,(…) trônait une gamelle individuelle,(…) à l’arrière un petit fagot de bois sec pour la soupe au bivouac, une marmite, (…) deux outils de campagne, hache ou cisaille serpe, scie, pelle, pioche ou pelle-pioche, au choix – ainsi qu’une vache à eau et une lanterne. L’ensemble de cet édifice avoisinerait alors au moins trente-cinq kilos par temps sec. Avant qu’il ne se mette, donc, à pleuvoir.

- Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas tellement l’opéra, même si comme lui c’est grandiose, empathique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c’est assez ennuyeux.

Catinus - Liège - 73 ans - 20 octobre 2012


Petites scènes de guerre 8 étoiles

"Mais non : cela sent le renfermé jusque sur sa personne et en elle-même, à l’intérieur de soi, derrière les réseaux de barbelés crochés de cadavres pourrissants et désarticulés qui servent parfois aux sapeurs à fixer les fils du téléphone – cela n’étant pas une tâche facile, les sapeurs transpirent de fatigue et de peur, ôtent leur capote pour travailler plus aisément, la suspendent à un bras qui, saillant du sol retourné, leur tient lieu de portemanteau."


La mobilisation, le voyage, les marches forcées, les tranchées, les rats, les poux,les bombes, les morts...
Sans emphase et dans un style impeccable, Echenoz fait défiler devant nos yeux une série d'instantanés comme autant de "petites scènes de guerre".
Ce n'est pas décrit avec cynisme mais plutôt avec une sorte de détachement qui n'en rend l'horreur que plus cruelle.

Alaouet - - 61 ans - 20 octobre 2012


Un sujet bien souvent abordé, et mieux traité par nos anciens... 5 étoiles

L'histoire proposée est bien mince ; c'est l'occasion pour l'auteur de citer des anecdotes, souvent authentiques, mais manquant singulièrement de "volume". Pour ma part je n'y retrouve que partiellement ce que me racontait mon père - il avait passé lui aussi près de sept années "sous les drapeaux" - et très peu l'ambiance que je ressentais par bribes dans ses silences prolongés.

Mais ce qui m'a choqué surtout, c'est le mélange avec des préoccupations caractéristiques du temps présent ; je ne suis pas sûr que la "lutte des classes" se soit ainsi présentée à l'époque.

Relisons plutôt Roland Dorgelès ou Blaise Cendrars !

Tanneguy - Paris - 85 ans - 19 octobre 2012