Marcas, maître franc-maçon, Tome1 : Le rituel de l'ombre cycle 1/2
de Éric Giacometti (Scénario), Jacques Ravenne (Scénario), Gabriele Parma (Dessin)

critiqué par Shelton, le 7 octobre 2012
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)

La note: étoiles

Il faut lire cette bande dessinée !!!

Avouons-le immédiatement, je n’avais jamais lu aucun des romans de Giacometti et Ravenne, je ne connaissais pas ce personnage étonnant, policier d’une part, franc-maçon d’autre part, Antoine Marcas. De plus, je le dis sans ambages, la Franc-maçonnerie est un thème qui me laisse assez indifférent. Elevé dans un milieu qui s’en méfiait comme du diable, ayant lu moult ouvrages qui en montraient toutes les dérives possibles, y compris les financières dont on a encore parlé il y a peu, j’avoue m’être construit en ignorant cette Franc-maçonnerie… J’ai des amis francs-maçons et je n’en parle jamais…

Donc, quand j’ai appris que cette série allait démarrer en bande dessinée, mon premier réflexe a été de chercher le premier des romans, Le rituel de l’ombre. Je reviendrai parler spécifiquement du roman, mais j’avoue avoir été séduit par l’histoire et, surtout, le personnage. Il faut préciser, avant toute chose, que Ravenne, l’un des deux auteurs, est lui-même maître franc-maçon. Il n’est pas là pour critiquer, ni même embellir la franc-maçonnerie, il veut simplement dire la vérité… Giacometti, lui, journaliste au départ, avait beaucoup enquêté sur cette Franc-maçonnerie, surtout sur les scandales financiers du sud-est de la France où elle était fortement impliquée. L’union des deux permet certainement de donner un tableau proche de la vérité de la Franc-maçonnerie d’aujourd’hui. Oui il y a de bien belles choses vécues entre les frères, oui certains frères dépassent les limites de l’acceptable, non elle n’est pas le diable incarné…

Le fait d’avoir lu le roman avant la bande dessinée va aussi me permettre de voir comment un gros roman peut être transformé en deux albums de bédé. J’ai eu un peu peur, mais j’ai tout de suite constaté que les auteurs devenus scénaristes ont transformé leur roman, pas en le dénaturant mais en le modifiant de façon substantielle. Et, ça fonctionne parfaitement !

Tout commence par une série de meurtres de nos jours. A Jérusalem – lieu où ne se trouve pas Marcas dans le roman contrairement à la version bédé – et à Rome, les victimes sont frappées trois fois. Trois fois ? Oui, un lien probable avec l’assassinat mythique de l’architecte Hiram… Cette série d’assassinats est visiblement liée à la Franc-maçonnerie, à l’archéologie aussi avec une pierre particulière, la Pierre de Thebbah, qui suscite de toute évidence la convoitise…

Pour tenter de comprendre ce qui s’est passé à l’ambassade de France à Rome – assassinat d’une certaine Sophie Dawes – et relier entre eux les évènements de Jérusalem, Amsterdam et Rome, les Français construisent une paire d’enquêteurs hors norme : un policier franc-maçon, Antoine Marcas, et une femme militaire ne supportant pas les frères, Jade Zewinski. Un duo de choc qui prend forme sous nos yeux et qui va devoir affronter des ennemis prêts à tout…

Et qui sont-ils, ces méchants ? Ils sont issus d’un nazisme total et intransigeant, la société secrète Thulé… Racisme total, promotion de l’Aryen à travers le monde et, aujourd’hui, du moins dans le roman, un homme qui se fait nommer Sol et qui a décidé de se venger de cette engeance terrible qu’est la Franc-maçonnerie…

On aura donc dans cette bande dessinée un grand nombre d’allers retours entre scènes contemporaines, explications des uns ou des autres – et le point de vue des frères ou des nazis n’est visiblement pas le même – et scènes historiques, tout simplement. On y apprend de nombreux éléments historiques comme le vol des archives franc-maçonnes par les Allemands, puis leur récupération par les Russes et, enfin, leur retour partiel en France…

Je ne voudrais pas vous donner tous les tenants et aboutissants de cette quête autour de la pierre de Thebbah, mais simplement vous préciser que la narration graphique est extrêmement dynamique malgré de longs textes qui doivent nous permettre de tout comprendre. L’alternance des scènes d’action bien présentes et des cases causantes ou diseuses est maitrisée à merveille. Les romanciers sont bien devenus scénaristes et ils ont un dessinateur qui est entré dans la danse avec maestria ! Les planches de la deuxième partie de l’opus sont meilleures que les premières, c’est évident, et c’est bien la preuve que l’équipe a terminé son rodage : tout est en place pour une série de très haut niveau !

J’ai le sentiment de revivre une entrée en matière un peu à la manière de la série Largo Winch, et souvenez-vous qu’il s’agissait aussi d’une adaptation d’un roman par le romancier lui-même devenu scénariste ! Comme quoi, ce n’est pas impossible d’adapter soi-même une de ses histoires sur un support narratif différent…

Une très bonne série à découvrir et à classer dans ce que certains nomment les thrillers ésotériques, appellation qui ne me convainc qu’à moitié car thriller historique, thriller social, thriller tout court iraient aussi… l’essentiel est que l’on prenne beaucoup de plaisir à les dévorer !!!

BD de qualité

Une bédé de qualité qui allie action, suspense et pédagogie. Outre les informations distillées dans le récit (tordant ainsi le coup aux préjugés sur cet ordre), se trouvent en annexes des explications historiques sur les francs-maçons. Il est à noter que l'un des auteurs, Jacques Ravenne, est lui-même franc-maçon (l'autre étant journaliste).
L'objectif des deux auteurs est de proposer un récit imaginaire haletant basé sur des éléments historiques, avec le souci de ne pas perdre le lecteur dans une fiction qui viendrait prendre la place de la réalité ; d'où ces 5 pages d'annexes.

Une belle entreprise que tout cela, qui donne envie de lire un de leurs romans et d'attendre sereinement le tome 2, suite et fin de ce premier cycle.

PPG - Strasbourg - 48 ans - 24 janvier 2013