Guide secret de Paris
de René Gast, Guillaume Rateau

critiqué par Numanuma, le 1 octobre 2012
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Haussmann m'a tuer
Désormais habitant heureux de la pourtant peu glamour cité de saint Pierre des Corps, ma vie est rythmée, pour quelques semaines encore, par des allers retours journaliers vers Paris. L’arrivée à la gare Montparnasse est l’occasion, une fois par semaine, de jeter un œil à la Fnac coincée entre deux distributeurs de tickets et un marchand de journaux, à côté d’une série d’escaliers plus ou moins mécaniques.
Ce matin, bonne pioche, j’ai dégoté par hasard ce petit livre sans prétention lu pendant l’heure et demie de mon retour dans mon nouveau chez moi.

Difficile de ne pas être bercé par le roulement sobre et régulier du TGV. D’ordinaire, mes yeux tombent tout seul assez rapidement malgré mes bonnes résolutions de profiter de ce moment pour dévorer autant de lignes que possibles, livres, revues, magazines, journaux, tout !
Ce soir, pas de problème ! Ce guide est une vraie petite découverte révélant finalement peu de choses que le connaisseur de Paris ne sache déjà, ce qui m’a permis de m’apercevoir qu’en bon parisien, je ne connais pas si bien que cela le pavé de la capitale.
L’attrait de ce petit livre est d’abord visuel puisqu’édité de manière à faire penser à un vieux livre, papier fort découpé irrégulièrement, gravures d’époques et un découpage thématique bien vu plus attrayant qu’un découpage par arrondissement : Paris canaille, Paris qui meurt, Paris insolite, Paris des rebelles et des fous.
Comme je j’ai dit, l’érudit ne sera sûrement pas sensible à la somme d’anecdotes contenues ici mais c’est justement ce qui fait le charme de l’ouvrage : pas de tournures savantes, pas d’étalage de culture, des mots simples et clairs, des citations parfois, un ton avenant, tout est là !
Je me suis rendu compte que beaucoup de choses que j’avais pu lire dans divers romans « parisiens » m’étaient floues. Par exemple, cet éléphant décrit par Hugo dans les Misérables a bien existé, ou du moins failli, le projet de fontaine surmonté d’un éléphant de bronze ayant fini par être abandonné. De même, l’expression Cour des miracles.
Qui ne l’a pas déjà entendue, croisée autour d’un chapitre, vue dans Angélique marquise des anges que mamie voulant absolument revoir… Mais qui sait pourquoi ce nom ? Parce que, miracle, dans ce ghetto parisien, dans l’un d’eux, il y avait plusieurs cours des miracles dans la capitale, les éclopés de la journée redevenaient parfaitement valides le soir venus, chez eux dans le dédale des rues sombres et sales dans lesquelles les hommes de la garde ne venaient qu’en nombre et lourdement armés.
J’extrapole peut-être à tort mais ces ghettos urbains du Moyen Age, qui ont duré bien longtemps puisque seuls les travaux d’Haussmann en sont venu à bout, on les retrouve ailleurs, en banlieue : même craintes des forces de l’ordre d’y entrer, même misère, mêmes magouilles…

Vite lu, certes, mais pas forcément vite oublié parce que la légèreté du style contrebalance la gravité du propos. Les passages sur la brutalité des forces de l’ordre, les tortures, les meurtres, l’arbitraire sont assez effrayants. Voyez ce passage sur l’estrapade et imaginez la torture que pouvait endurer le malheureux avant de pouvoir enfin mourir.
Heureusement, des chapitres plus légers, sur les maisons closes ou sur un célèbre pétomane, si, si, viennent rappeler que Paris reste toujours Paris malgré un urbanisme moderne galopant et destructeur sous lequel il devient difficile de retrouver des traces du passé, même le plus récent.