Transsibérien
de Dominique Fernandez, Ferrante Ferranti (Dessin)

critiqué par Kabuto, le 29 septembre 2012
(Craponne - 64 ans)


La note:  étoiles
Taïga
Plutôt qu’un récit de voyage, Transsibérien est un parcours culturel franco-russe à travers la Sibérie. Au fil du parcours, les passagers participeront donc à des visites officielles et à des conférences sur des sujets plus ou moins intéressants et ils ne quitteront le train qu’aux étapes pour rejoindre des hôtels luxueux. Ce n’est donc pas vraiment une immersion dans la Russie profonde. Petite déception.
Ceci dit, ce bouquin est loin d’être désagréable. Il est instructif et rend très bien l’immensité poétique de la taïga qui s’étend sur des milliers de kilomètres. L’auteur en profite aussi pour nous parler de littérature et d’histoire et les villes traversées sont autant de cours joliment intégrés au récit. Dominique Fernandez connaît son sujet et arrive à nous faire partager son enthousiasme pour la Russie. Sans aucun doute les plus intéressants passages du livre. D’un autre côté, en académicien habitué aux honneurs, l’écrivain se montre parfois sous un visage un peu moins sympathique. Il se plaint de la qualité des repas ou de la literie et aimerait discuter avec les passagers de deuxième classe mais en est dissuadé par l’odeur qui règne dans les wagons. Parfois aussi ses exposés peuvent paraître un peu pédants et sentencieux. Cela m’a parfois un peu gêné mais pas assez pour ne pas apprécier ce fabuleux parcours dans un train mythique.
Un beau voyage au cœur de l’âme russe 8 étoiles

Depuis qu’il existe, ce train n’a cessé d’exercer une fascination bien au-delà des frontières de la Russie. En montant à bord, Dominique Fernandez a tenté d’analyser les origines et les raisons du mythe. C’est un beau voyage qu’il nous propose ici. Au départ intimidé par l’érudition dont fait preuve l’auteur en évoquant le rapport des villes qu’il traverse avec le monde des arts, de la peinture à l’architecture en passant par la musique, sans oublier évidemment la littérature, je me suis finalement laissé porté par l’hypnotique tougoudoum des roues à travers ces immensités sauvages sans commune mesure avec le paysage européen tel qu’on le connaît.

L’auteur reste humble en soulignant que prendre le transsibérien ne signifie pas avoir tout vu de la Sibérie, en raison même de l’immensité de ce pays. Du fait également que cette escapade avait parfois plus des airs de visite guidée pour touristes, ce qui a conduit Fernandez à prendre le large à plusieurs reprises …

La notion même de voyage s’en trouve bousculée de par la monotonie des paysages et la durée du transport. Prendre le Transsibérien, c’est accepter de s’ennuyer, c’est se dissoudre dans l’espace et le temps, admettre la possibilité d’un voyage intérieur résultant paradoxalement des distances quasi infinies… Prendre le Transsibérien, c’est aussi remettre en cause certains préjugés sur ce pays que l’on imagine souvent comme un no man’s land. On découvre que la ligne est jalonnée par plusieurs villes atteignant souvent le million d’habitants, des villes qui sont d’ailleurs loin d’être des déserts culturels, même si l’intrusion du mode de vie occidental lié à la disparition de l’URSS, pas forcément bénéfique, modifie quelque peu la donne, contribuant en outre à creuser l’écart entre riches et pauvres… L'instruction, elle, est restée une des caractéristiques de ce pays depuis l'époque soviétique, à l’image des statues de Lénine qui subsistent dans le paysage urbain telles des reliques stoïques d’un passé révolu : les dirigeants soviétiques ont en effet toujours été soucieux d’éduquer les citoyens, y compris aux arts, même si le contenu devait être agréé par le régime de façon implacable. Ceux qui ne souscrivaient pas à cette vision prenaient le Transsibérien en direction des goulags. Là encore, l’auteur nous le rappelle, le bannissement ou la détention en Sibérie des esprits réfractaires (ou seulement suspects de l’être) ne remonte pas à l’URSS, mais existait déjà du temps des tsars. Et continue d’ailleurs à exister avec Poutine, on a pu le voir récemment avec l’affaire des Pussy Riots…

A noter que le livre est accompagné d’un livret central reprenant une sélection de très belles photos de Ferrante Ferranti.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 25 janvier 2014


Un train pas comme les autres ! 7 étoiles

Ecrivain, romancier, essayiste et grand voyageur français, Dominique Fernandez (1929) est membre de l’Académie française depuis 2007.
En mai 2010 -dans la cadre des échanges culturels de l'année France-Russie - il entreprend la traversée de la Russie par le Transsibérien.

Accompagné d'un groupe de 25 intellectuels (écrivains, journalistes, photographes,acteurs, ... ) l'auteur embarque à bord de Transsibérien à Moscou pour rejoindre -après 9 288 km- Vladivostok, pointe avancée de l'Extrême-Orient russe.
Un long et lent pèlerinage dans l'Histoire et la Culture russe. Une épopée du Far East à l'égale de celle du Far West par les colons nord-américains.
Les écrivains, poètes et musiciens russes tiennent le haut de l'affiche et hommage leur est rendu car nombre d'entre-eux ont fréquenté les goulags sibériens.
L'auteur tente de révéler "l'âme russe", reflet de son Histoire et de sa géographie.
Comment rester insensible à l'évocation de ces villes mythiques chargées d'Histoire; Moscou, Novossibirsk, Irkoutsk, Vladivostok,... et des ces fleuves et lac majestueux; Le lac Baïkal, le fleuve Amour, la Volga, ...
Un récit extrêmement riche en références littéraires (russes et françaises) et polémique par le questionnement sur la récente "Ouverture" à l'économie de marché de la Russie:
"Pourquoi la liberté dont jouissent aujourd'hui les citoyens favorise-t-elle moins la culture que ne la secondait l'absolutisme des Tsars ?".

Pas véritablement un récit de voyage. Un ouvrage plus historique et proche de l'âme russe.
Les visites organisées (avec guide et interprètes), les nuits dans des hôtels de standing et le peu d'effort pour rencontrer le "peuple russe" forment les points faibles de cet ouvrage.
Il manque l'essentiel pour pouvoir écrire sur un pays, le contact avec sa population...
Un récit qui reste néanmoins très intéressant et qui vous fera (re)découvrir les grands écrivains russes .

Frunny - PARIS - 59 ans - 23 juillet 2013