Photos de familles : Un roman de l'album
de Anne-Marie Garat

critiqué par Sissi, le 26 septembre 2012
(Besançon - 54 ans)


La note:  étoiles
Petit clic, grande histoire...
Qui n’a jamais scruté avec insistance un cliché ancien, sans pour autant connaître la ou les personnes photographiées ?
Anne-Marie Garat, elle, aime à arpenter les rues des brocantes, fouiner dans de vieux cartons posés négligemment au sol, pour en extirper et récupérer de vieilles photos d’anonymes laissées à l’abandon, vendues souvent à des prix dérisoires dans la hâte qu'ont leur propriétaire de s’en débarrasser au plus vite.
Elle aime les contempler, les étudier pour tenter de percer leurs secrets, et elle nous livre ici le fruit de ses observations, de son analyse, et met en lumière tout ce que ces vieilles photographies peuvent nous révéler sur une époque, un milieu social, une famille.
Hormis le portrait fascinant d’une centenaire qui inaugure le livre, les clichés sont regroupés par thèmes, tels que « Albums », Air de famille », « Visage de maison, visage de famille » etc.

Parallèlement, et c’est l’autre versant du livre, Anne-Marie Garat s’interroge sur ce qu’est la photo de famille, la photo tout court d’ailleurs, elle balaye également l’histoire de la photographie de Niepce au numérique d’aujourd’hui, évoque tout ce qui est en amont de l'acte en lui-même de manière fouillée, approfondie et philosophique :

« Nous prétendons que nous prenons des photos en souvenir. D’une rencontre, d’un anniversaire ; photos d’enfants, de classe, de régiment qui feront date. Sitôt sortis de l’enfance, nous sommes vite prévenus de la force de l’oubli, de l’éphémère état des apparences. Nous voulons garder vif un peu de l’instant, préserver un fragment immobile du grand évanouissement des jours, rendre présente l’absence, définitivement. La photographie, venue si tard réaliser ce rêve très ancien, comble le besoin éperdu de réparer l’œuvre du temps, qui, sans doute dès la caverne, inspire à l’homme le sens tragique de sa condition. Nous voulons laisser du souvenir entre des mains humaines, revanche que notre esprit réclame contre les défaites de la chair, l’irréversible ruine des corps : nous voulons sublimer un peu le devenir en éternité. C’est cela photographier, voler de l’instant au temps, capter de l’invisible et le rendre visible, véritable. Permette l’éternel retour de l’état antérieur, attesté, rassurant, faire la preuve de sa permanence possible. »

On ressent tout au long de cet ouvrage l’amour qu’elle porte à l’image (elle est détentrice d’un DEA de cinéma et a publié de nombreux textes dans des revues telles que La recherche photographique), toutes les connaissances qu’elle peut avoir sur le sujet, et toutes les interrogations qui sont suscitées par ces petits et brefs instantanés de vie qu’on a choisi d’immortaliser.