Viva caporetto !
de Curzio Malaparte

critiqué par Poignant, le 17 septembre 2012
(Poitiers - 58 ans)


La note:  étoiles
Premiers écrits d'un animal littéraire
Ah Malaparte ! Quel personnage ! Tout en contradictions.
« Kaputt » et « La peau », deux livres géniaux qui mélangent d’une façon invraisemblable l’horreur et un style baroque ; un père allemand pour le plus italien des antinazis ; des fréquentations très « bling-bling » pour celui qui ne respecte que les pauvres et les humbles ; un authentique engagement fasciste pour le plus grand détracteur de Mussolini. Bref, un type agaçant et attachant, fort en gueule mais écrivain exceptionnel, aux allures d’intellectuel planqué mais engagé à 16 ans en 1914, blessé deux fois au front et couvert de médailles.

« Viva Caporetto », c’est un essai sur la guerre et les travers de la société italienne de l’époque. Il est écrit en 1920 par un Malaparte de 22 ans tout juste revenu à la vie civile, alors qu’employé à l’ambassade d’Italie à Varsovie, il est le témoin de la progression des armées bolcheviques en Pologne.
Et déjà un titre bien provocateur (Caporetto, c’est à la fois le Verdun italien et la plus grande déculottée militaire de l’histoire du pays fin 1917) et des problèmes avec la censure.
En 110 pages, ce récit est à la gloire des combattants des tranchées, misérable chair à canon inutilement sacrifiée par des élites lâches et irresponsables, qui ont entrainé l’Italie dans une guerre où elle n’avait pas sa place.
La perte de confiance du pays dans ses dirigeants favorisera la prise du pouvoir par Mussolini. Malaparte y participera activement, avant de s’apercevoir de l’ineptie de ce sinistre personnage et de devenir son opposant le plus caustique.

C’est à ma connaissance la première traduction en français de cet écrit de jeunesse. Le style n’est pas encore celui d’un grand écrivain mais on ressent la fougue de la révolte et de l’indignation face aux évènements évoqués.
Le principal intérêt de cet essai, à mon sens, est qu’il constitue un témoignage de première main sur les mutineries de soldats en 1917. La fracture sociale qui s’est créée dans les tranchées sera le terreau où fleuriront le communisme, le fascisme et le nazisme.
Pour apprécier ce texte, il faut en connaitre le contexte historique et l’environnement politique. Faute de documents le permettant dans cette édition, je crains que la lecture n’en soit réservée qu’aux « fans » de Malaparte.
Dommage.