La Soeur de Mozart
de Rita Charbonnier

critiqué par Flo29, le 14 septembre 2012
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Comme une musique
C'est un roman sur la soeur de Mozart, Nannerl, que l'on suit de son enfance à sa vieillesse. Nannerl vit dans l'ombre de son frère. Malgré son talent de musicienne, elle ne parvient pas à percer car c'est une femme, et à cette époque-là, "aucune femme ne compose". Entre un père autoritaire, une mère aimante mais peu cultivée et un frère qui l'écrase de sa gloire, la jeune femme a bien du mal à trouver sa place.
Ce roman m'a beaucoup plu. On y retrouve une petite musique des mots qui nous enchante et nous transporte. En lisant ce livre, je n'avais qu'une envie: redécouvrir les oeuvres de ce grand musicien.
la place d'une femme au 18ème siècle 6 étoiles

La scénariste italienne Rita Charbonnier nous propose une biographie romancée mais documentée de Nannerl Mozart, le soeur de son illustre frère Wolfgang.

Nannerl est la soeur aînée de Wolfgang. Elle a quatre ans de plus que lui et, dès la naissance de son frère, elle se prend de passion pour lui. Comme Wolfgang, Nannerl est une enfant prodige, que son père emmène jouer du clavecin dans les cours et devant les princes alors qu'elle n'est âgée que de sept ans. Quand Wolfgang atteint l'âge de six ans, Nannerl et lui se produisent devant les grands d'Europe lors d'une tournée quasiment triomphale. Après l'adolescence les rapports entre le frère et la soeur vont se distendre, devenir froids, puis inexistants à l'âge adulte. Il faut dire que Nannerl a un "fichu caractère". De plus, pour financer les études musicales de son frère, elle doit donner des leçons de piano et subvenir à elle seule aux besoins de la famille. Et puis surtout, Nannerl est une éternelle insatisfaite, une jeune femme frustrée. Son personnage en deviendrait presque antipathique. Mais on la comprend quand l'auteur nous explique que Léopold Mozart, le père de Nannerl et de Wolfgang, refusait à sa fille le droit de jouer du violon, car ce n'était pas convenable pour une jeune fille. Mais surtout, Léopold, quand il découvre que Nannerl compose de la musique, rentre dans une rage folle. Au XVIIIème siècle une femme ne pouvait pas composer. Cela était déplacé. De dépit, Nannerl vouera toutes ses compositions aux flammes.

Devenu adulte Nannerl "(...) conclut qu'au fond son caractère était naturellement joyeux, mais que quelque chose, un poids qu'elle portait en elle, devait l'avoir toujours étouffée...". Ce poids, c'est celui des convenances, celui qui lui interdit de composer. Et puis toujours ce feu qui bout en elle: "(...) d'où pouvait provenir cette rage qui la mettait toujours hors d'elle-même, et toujours contre la cible la plus innocente?".

Nannerl, jalouse de la destinée Viennoise de son frère, qui quittera Salzbourg pour la capitale Autrichienne, tente de le garder auprès d'elle. Mais Wolfgang, comme sa soeur, est oppressé par l'atmosphère bourgeoise et étroite d'esprit de leur ville. Il lui répond: "Ma musique a besoin d'autres horizons, Nannerl... Ne l'as-tu pas encore compris? Je dois me libérer, mener à son terme quelque chose de grandiose, je dois exprimer tout ce que je n'ai pas encore réussi à exprimer, par manque d'occasions... Autrement, chère soeur, je risque d'avoir la même fin que toi".

Mais Nannerl vivra sa vie. Elle finira même, au grand ravissement du lecteur, par la réussir et par assumer sa féminité. Et quand Wolfgang meurt à trente-six ans, Nannerl se fait un devoir de réunir les partitions originales du maître avant que celles-ci ne s'éparpillent aux quatre vents. "Je veux les faire publier", dit Nannerl. "Les répertorier, de la première à la dernière, et les publier. Elles ne peuvent finir dans les mains d'un quelconque marchand... c'est tout ce qui reste de lui!".

Voilà un livre qui ravira les amateurs de musique classique et les autres, puisque les thèmes abordés vont bien au delà de la musique: amour familial, relation parents enfants, place et émancipation de la femme dans la société du XVIIIème siècle.

Je me permets un gros bémol concernant l'écriture. Cela est tout de même truffé de lourdeurs de style. Un seul exemple: l'auteur parle ici du coeur et de l'âme de Nannerl en les rapprochant du caractère d'une pouliche rétive et colérique que Nannerl soigne: "(...) en un clin d'oeil, elle comprit, au plus intime de son être, que cette créature dont personne ne voulait s'était progressivement détruite et que, dans sa colère, elle écartait tous ceux qui tentaient de l'approcher". La métaphore du cheval pour parler des émotions de Nannerl, bof bof...

Fredm - - 50 ans - 1 novembre 2013