Une femme de Tirana
de Helena Gushi-Kadaré

critiqué par Débézed, le 4 septembre 2012
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Amours sous pression
Une histoire simple, linéaire, qui ne semble écrite que pour dénoncer la perversité d’un pouvoir totalitaire et pourtant elle pourrait se dérouler sous n’importe quel autre régime, dans n’importe quel autre pays.

A Tirana, au temps d’Enver Hodja, Suzanne est amoureuse et heureuse de l’être, elle a cependant honte de le montrer à ses collègues qui mènent une vie plutôt médiocre dans un pays cadenassé par un dictateur impitoyable. Elle travaille dans le service d’édition qui publie tous les textes officiels et notamment les écrits du « Grand Dirigeant ». La maison est en émoi : un manuscrit jugé séditieux a été repéré, des sanctions sont prises. Ces événements perturbent la jeune femme, altèrent son bonheur et pèsent sur son couple car son mari ne comprend pas son désarroi devant la perversité du pouvoir. Lui se consacre uniquement aux petites querelles qui l’opposent à son supérieur dans l’entreprise où il travaille et aux combines qui peuvent lui permettre de tirer quelques avantages.

Un hiatus se crée entre les deux époux et ne fait que s’accroître car lui ne comprend pas les préoccupations des intellectuels privilégiés et elle n’accepte pas que son mari se comporte servilement dans son entreprise pour flatter le directeur et éliminer son supérieur direct. Elle décide donc de le quitter car «depuis longtemps elle avait rêvé de rencontrer l’homme qui gardait sa liberté d’esprit, l’écrivain capable d’exprimer son opinion, même contre le pouvoir politique. »

Un texte qui évoque la conscience politique, la capacité à s’opposer à un pouvoir autoritaire, la perversité d’un système qui s’insinue jusque dans les rapports entre les époux générant l’incompréhension entre eux surtout quand ils vivent dans des univers différents. Une dénonciation d’un pouvoir qui pèse sur la vie personnelle de chacun, de la manipulation des citoyens et des différentes formes de compromission.

« Il arrive que la liberté d’une génération soit dédiée à la liberté intérieure d’un individu. » En méditant ces propos de Stefan Zweig, la jeune femme trouvera peut-être son chemin entre son mari et l’écrivain en considérant que finalement « sa vraie vie était à l’intérieur d’elle-même ».