L'île fantôme
de Washington Irving

critiqué par Eric Eliès, le 3 septembre 2012
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Un recueil de récits fantastiques mêlant l'Histoire, le merveilleux et l'étrange
Les contes fantastiques de ce recueil, écrit dans la 1ère moitié du XIXème siècle, manient l'étrangeté mais ne distillent pas, ou très peu, l'angoisse. S'appuyant fréquemment sur l'Histoire (ancienne ou récente, notamment celle des Etats-Unis) et sur un style élégant non dénué d'humour, l'auteur semble davantage chercher à intriguer et à déconcerter son lecteur pour mieux le captiver (ce qu'il parvient parfaitement à faire !) qu'à susciter la peur... L'art de conteur et la conception du fantastique de Washington Irving m'ont parfois fait songer à Hoffman ou à Potocki, dont il fut d'ailleurs presque un contemporain, bien plus qu'à Poe ou Hawthorne, dont il est parfois considéré comme un précurseur.

Le ressort des contes est souvent le même : un homme ordinaire mais doté d'une certaine forme de sensibilité, est confronté à une situation étrange, qui provoque un déplacement spatial et/ou un glissement temporel qui le fait ensuite passer pour fou. Ainsi, dans l'une des nouvelles les plus célèbres du recueil (devenu un classique de la littérature fantastique américaine), Rip Van Winkle, homme débonnaire marié à une femme acariâtre, rencontre, lors d'une partie de chasse dans la montagne, de vieux Hollandais qui semblent surgir d'un siècle révolu (n'oublions pas que New York fut fondée par des Hollandais !) et l'invitent à une étrange fête silencieuse ; ivre, Rip Van Winkle se réveillera une vingtaine d'années plus tard... Dans une autre nouvelle, un étudiant allemand solitaire rencontre dans Paris, lors d'une nuit de la Révolution, une femme désespérée qui se révèlera, au petit matin, être morte depuis 24 heures... Dans L'île fantôme, inspiré de l'Histoire espagnole, un jeune noble passionné et fiancé, décide, parce qu'il est certain de l'existence d'une île légendaire qui apparaît de temps à autre aux navigateurs, de retarder son mariage et d'organiser une expédition pour se faire reconnaître comme "adalantado" de cette île, où se seraient établis des Espagnols exilés depuis la conquête de l'Espagne par les Arabes. Le jeune homme parvient sur l'île, où il semble attendu, montre ses lettres de créance mais, après une fête donnée en son honneur, se retrouve seul et perdu en mer. Il est recueilli des décennies plus tard, tandis que pour lui seulement quelques jours semblent s'être écoulés, et découvre que tous l'ont oublié ; ne subsistent de lui et de son expédition qu'une vieille mention dans un registre de la ville où il était autrefois un jeune noble considéré et admiré...