Un léger désir de rouge
de Hélène Lépine

critiqué par Libris québécis, le 2 septembre 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Mammectomie pour une trapéziste
Que fait-on quand on n’a aucun talent pour chanter, aucun talent pour dessiner, aucun talent pour danser ? Dépréciée de ses parents pour ses inaptitudes intellectuelles, Toulouse Jullien se tourne vers son corps. Elle lui donne l’agilité nécessaire pour joindre un cirque comme trapéziste. Et avec Odilon, son partenaire et amant, c’est la gloire. La voilà bien vengée de ses géniteurs ! Malheureusement, à 28 ans, le destin brandit le spectre de la mammectomie du sein gauche pour la libérer d’une tumeur maligne.

Pour sa convalescence, l’héroïne retourne sous le toit familial de l’île d’Orléans, où habitent sa sœur Louvaine et son frère névrosé Coaticook. Ayant des parents voyageurs à cause de leur savoir, ils ont cru bon de prénommer leur progéniture selon les lieux de conception. Ce choix farfelu se double des carences de parents inaptes à satisfaire les besoins de leurs enfants. Élevés par leurs grands-parents, ils ont compris que « les parents savants n’ont pas d’oreilles, qu’ils n’ont que la bouche » pour trouver matière à formuler des reproches.

Une telle éducation désagrège la fratrie et l’estime de soi. Pourtant Toulouse mise sur la famille pour recouvrer la santé et faire le deuil d’un amour disparu avec son ablation du sein. Un dur défi l’attend pour remonter la côte. Malgré la chimiothérapie qui l’épuise, elle tente de ressouder les pièces chancelantes de la structure familiale. Au-delà de cette mission presque impossible, elle doit renouer avec l’amour de son corps mutilé et, plus encore, dénicher le jardinier de l’amour, qui pourrait combler son « léger désir » affectif, comme le précise le titre.

Pour assurer sa sérénité, elle confie ses sentiments à Moumbala, un enfant sénégalais imaginaire. Et par la lecture des carnets de son ancêtre Jullien, qui a combattu en Afrique, elle reconstruit la piste de la filiation pour s’arrêter devant un hibiscus rouge, le rouge du titre, que son grand-père avait dessiné. Voilà le lien qu’elle noue à son amour de la nature. La glace du fleuve, la neige qu’elle vainc avec ses raquettes, les animaux qui lui font peur comme l’écureuil noir qu’elle compare au mal qui la ronge. Et comme le héron, elle voudrait s’envoler vers les rives du fleuve Casamance, symbole pour elle d’un paradis retrouvé.

Pendant que la mort plane au-dessus d’elle, Toulouse espère comme le regretté Gerry Boulet qui chantait avant de succomber à un cancer qu’il était « celui qui marche. Quand l'bonheur en arrache, quand l'amour le chatouille, quand la vie le bafouille, je suis... toujours vivant. Je suis celui qui regarde en avant. » Bref, exempt de sentimentalité, le roman se présente comme un bouquet poétique, composé de métaphores qui subliment le grand désir de vivre de l’héroïne.
Le retour de Toulouse 6 étoiles

L’histoire a été formidablement bien résumée par ce cher Libris dont les critiques sont souvent plus belles que les livres auxquels elles font référence.

Pour l’histoire, je passe donc puisque tout est déjà écrit. Place au style maintenant. Bien que l’écriture soit d’une grande beauté, le roman baigne dans une atmosphère particulièrement traînante, nonchalante, trop abstraite, ce qui m’a amenée à la limite d’un vague ennui et d’une exaspération devant les nombreuses redondances et redites. Je craignais justement ce genre de récit vague, imprécis, ce style si souvent adopté par nos écrivains québécois ce qui m’éloigne généralement de cette littérature empreinte d’un vague à l’âme exaspérant. Le thème du cancer n’est pas rare justement et rien de vraiment intéressant ne s’est présenté. C’est le roman d’une femme blessée, charcutée, qui n’espère plus retrouver d’amant. Sa situation familiale est si complexe et invraisemblable, ses frères et sœurs ayant chacun une vie tourmentée. Ils sont chacun rongés par la rancœur quand ce n’est pas par une douce folie.

Il m’a semblé qu’à un moment, l’auteure n’avait plus rien à dire. Elle introduit alors des personnages flous, sans consistance pour meubler ses pages. Elle termine son récit abruptement, d’une façon irritante.

Je n’ai pas détesté mais j’avais hâte de terminer. Pourtant, une certaine qualité d’écriture et de pensée, un cadre bien québécois avec le fleuve omniprésent, un certain attachement à la maison familiale m’ont un peu réconcilié avec le récit et sont venus contrebalancer l’impression de flou, de brouillard tenace qui m’a accompagnée tout au long de ma lecture.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 6 novembre 2013