Arrive un vagabond
de Robert Goolrick

critiqué par Monocle, le 30 novembre 2022
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
Splendide
ARRIVE UN VAGABOND de Robert Goolrick "Editions Anne Carrière 2012 - traduit de l'anglais Us 2012 « Heading Out to Wonderful »" 319.- pages

1948, Dans la bourgade Brownsburg dans le sud très ségrégationniste des États Unis, débarque un inconnu dans un vieux pick-up. Il ne parle jamais de lui mais il sympathise vite avec tout le monde. On croit deviner qu'il revient de la guerre en Europe et qu'il dispose d'assez d'argent pour s'acheter des petits lopins de terre et des fermettes.
Il propose au boucher Will de devenir son aide et s'avère être très habile pour découper la viande tout comme pour l'abattage, rapide et sans faire souffrir la bête, avec respect.
Alma, l'épouse du boucher, adopte l'étranger et leur petit garçon Sam, six ans, devient son inséparable compagnon.
Le vagabond est en train de se faire adopter par la ville. les habitants le considèrent comme un des leurs. Mais un errant reste une âme en souffrance.
Le sol riche et fertile de ce pays vallonné et rocailleux est muet et figé, mais pas encore gelé. Bien que pierreuse, la terre se montre généreuse avec ces hommes, qui en retour se montrent bons les uns envers les autres. Peut-être était-ce ce que leur murmurait la terre, son seul message – la bonté existe bien. Partout. Chèrement gagnée, rarement récompensée, mais marquant les mémoires. Et elle existerait toujours "

Et puis après quelques semaines la très belle Madame Glass, l'épouse du plus gros propriétaire foncier de la région, devient l'amour de Charlie et chaque mercredi ils se retrouvent pour vivre cette passion cachée.
Jusqu'au jour où ?
...
Une femme, une jeune fille et un petit garçon. Noire et blancs. Le soleil se levait sur un cataclysme qui datait de la veille, de l’avant-veille même, et qui était déjà du passé. Mais rien n’était terminé, et nous le savions tous les deux, même si nous n’en avons rien dit, ni ce jour-là ni par la suite. Il nous suffisait de le savoir, de connaître toute l’histoire et d’en avoir fait partie, d’avoir été touchés par ces vies et d’être les témoins de leur vérité, de ce qui deviendrait leur légende.


L'univers de Goolrick est épuré Les acteurs apparaissent comme par magie, les explications sont superflues.
Ce qui est existe et est considéré comme acquis.
Ce roman parfaitement conçu avec des passages d’une intensité puissante qui donne au lecteur un aperçu de la force des mots et des actes.
Dans le monde réel ils existent vraiment les Charlie et les Sylvan. En général il se cachent et ne sortent que la nuit tombées. Ils aiment pourtant les endroits clos, les grands lits et le corps de l'autre. Leurs âmes sont tourmentées mais pures car le pacte qui les lie mentionne une confiance aveugle et la certitude qu'ils ne peuvent se faire du mal, ou au contraire se faire très mal dans la passion s'apparente à la folie.
Vous les verrez parfois au détour d'un chemin et vous penserez que c'est dommage qu'ils soient si peu nombreux !

" Le sol riche et fertile de ce pays vallonné et rocailleux était muet et figé, mais pas encore gelé. Bien que pierreuse, la terre s’était montrée généreuse avec ces hommes, qui en retour se montraient bons les uns envers les autres. Peut-être était-ce ce que leur murmurait la terre, son seul message – la bonté existe bien. Partout. Chèrement gagnée, rarement récompensée, mais marquant les mémoires. Et elle existerait toujours ".

Je décerne 5 étoiles à ce texte incomparable, parfois si dense qu'il faut faire des pauses et freiner l'envie de continuer la lecture.