L'Afrique noire est-elle maudite ?
de Moussa Konaté

critiqué par Jfp, le 25 août 2012
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
le pouvoir de l'ancêtre
Bien connu pour ses romans policiers (les enquêtes du "Commissaire Habib"), Moussa Konaté est également un essayiste de talent. La question qu'il pose dans "L'Afrique noire est-elle maudite?" est celle de la fatalité qui colle à la peau de l'africain noir, vu à travers le prisme de la pensée occidentale. L'auteur, à la recherche d'une spécificité de l'africanité allant au-delà des barrières religieuses, ethniques, sociales ou politiques, met l'accent sur des principes inculqués dès la plus petite enfance et qui opèrent selon lui un "conditionnement" du noir africain. Parmi ces principes, le pouvoir de l'ancêtre, censé déverser sa malédiction sur quiconque foulerait aux pieds la coutume, transmise de génération en génération, tient une place essentielle. Il conditionne l'individu tout au long de sa vie, y compris lorsqu'il se trouve loin des siens, et bloque son développement personnel. Le principe de solidarité, par lequel tout humain se trouve redevable à sa famille élargie, son village, son ethnie, de la protection qui lui a été assurée dès sa naissance, est également dénoncé par l'auteur, dès lors qu'il développe le parasitisme au détriment d'une réelle collaboration entre les membres responsables d'un groupe, quel qu'il soit. Cependant, loin d'un jugement "à charge" contre l'africanité, cet essai indique la voie à suivre pour revenir aux sources des cultures africaines. L'apprentissage des langues africaines, en lieu et place des langues des colonisateurs (remarquable réflexion sur les origines de l'esclavage et de la colonisation), tient une place essentielle dans le projet éducatif de Moussa Konaté, visant à développer l'individu intellectuellement et moralement, sans pour autant l'arracher à son groupe. Richement documenté sur le plan historique et s'appuyant sur une démonstration rigoureuse, ce livre représente un apport essentiel à la réflexion sur les freins au développement africain, et les moyens de les lever dans le cadre de la mondialisation. L'auteur se défend d'avoir abordé tous les problèmes (mais la polygamie et l'excision sont pourtant très bien traités), il ne veut pas transformer sa réflexion en un bilan des aspects positifs et négatifs de la culture africaine. Mais malgré les qualités évidentes de sa démarche, y compris sur le plan littéraire (car c'est très bien écrit), j'aurais aimé le voir aborder deux aspects qui me semblent importants: la place croissante tenue par les femmes dans l'économie (le commerce, le tourisme, l'artisanat, l'agriculture et la pêche), et la natalité galopante de l'Afrique sub-saharienne (avec le déséquilibre des ressources qui en résulte). Sujets tabous? Ou absence de réponse?