Lunes birmanes
de Sophie Ansel (Scénario), Sam Garcia (Dessin)

critiqué par Pucksimberg, le 14 août 2012
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
L'enfer birman
Le jeune Thazama écoute précieusement les histoires de son grand-père, homme remarquable de la tribu des Zomis, l'une de nombreuses ethnies de la Birmanie. Sa lignée est noble, digne et a traversé de nombreuses décennies. Thazama ne doit pas déroger aux valeurs de sa tribu et se doit de respecter l'honneur familial. L'arrivée de la belle Suampi qui a dû quitter brutalement Rangoon va semer le trouble dans le village. L'armée dirige d'une main de fer le pays. Les massacres se multiplient, les viols, les tortures, les humiliations, les camps sont le quotidien de cette Birmanie qui fait rêver les Occidentaux et qui pourtant prend ses racines dans la terreur et la souffrance de son peuple.

Les auteurs ont créé des personnages fictifs, pourtant inspirés des voyages de Sophie Ansel dans ces régions. Cette BD coup de poing jette violemment au visage au lecteur la triste réalité de la Birmanie d'aujourd'hui. Les ethnies sont écrasées, les familles broyées et la lutte pour la liberté s'avère très difficile. Le lecteur suit avec le plus vif intérêt ces personnages touchants, luttant pour leur survie. On ne nous cache rien dans cette BD, certaines scènes sont très violentes et choquantes, mais que faire quand la réalité égale l'horreur totale ?
Les Birmans tentent vainement de fuir, certains échappent à l'enfer de la Birmanie, pour basculer dans un autre enfer tout aussi terrible que sont la Malaisie et la Thaïlande.

La bande dessinée commence comme l'on raconterait une légende, mais très vite l'Histoire rattrape ce qui pouvait s'annoncer léger. Cette BD renferme une histoire humaine bouleversante. Ellle est aussi une photographie de l'histoire de la Birmanie et un pamphlet contre la violence et l'inhumanité de l'homme.

Une oeuvre à découvrir pour sa richesse, pour la grandeur des héros et pour le reflet d'un monde infernal où l'Occidental ferme les yeux.

Une bande dessinée qui saura faire réagir le lecteur !
Cruauté en Birmanie 10 étoiles

"Lunes Birmanes" retrace la vie de Thazama. Birman qui vit sous dans un petit village jusqu'au jour où la dictature parvient jusqu'à son coin paumé.

L'armée viole, humilie et esclavage. Les villageois sont impuissants. C'est alors une longue vie de lutte qui va s'ouvrir à Thamaza. On n'est pas ici dans la lutte armée, la réalité frappe le lecteur de plein fouet.

C'est d'abord une lutte idéaliste quand il est étudiant, par manifestation et discussions. Puis, au fur et à mesure que l'horreur et la cruauté augmentent, c'est une lutte pour la survie qu'il va mener. Il va connaître la peur des rafles et l'esclavage.
Les auteurs nous livrent ici une magnifique description de l'horreur que vivent les minorités birmanes. Ils sont persécutés chez eux et sont traités comme des sous-hommes lorsqu'ils tentent de fuir dans les pays voisins.

Cette bande dessinée est puissante. Longue de 200 pages, on n'en décroche pas avant de l'avoir finie. Le dessin de Sam Garcia peut sembler un peu trop tendre au début mais on s'aperçoit vite que le bonhomme maîtrise son sujet. Les scènes de violences, aussi bien verbales que physiques, accrochent vraiment aux tripes et nous atteignent émotionnellement. On se met vraiment à haïr les dictateurs, les esclavagistes, les gardiens de prison, les collabos et autres connards qui considèrent autrui comme de la merde.

Du coup, le point super intéressant dans cette bande dessinée est qu'elle se contente de montrer la réalité. Dans beaucoup d'histoires, un synopsis de ce genre aurait abouti à une révolte du héros qui aurait soulevé les masses pour démonter l'oppresseur. Ici, ce n'est pas le cas. Qu'est ce qu'on peut faire contre un état organisé et cruel ? Les forces armées sont mises en place contre une poignée de fermiers.

C'est à la fois bien vu et incroyablement dépressif. Qu'est ce qu'un individu ou une minorité peut faire contre un état injuste? Contre une élite bien en placé qui a décidé qu'elle pouvait faire de la merde impunément? Rien.

En conclusion, une très belle bande dessinée qui met en valeur un drame dans le monde qui n'est pas si connu que ça. En espérant que plus on le connaisse, plus les minorités birmanes auront des chances de s'en tirer dans le futur.

Nabu - Paris - 38 ans - 25 juillet 2013